Acte du dédommagement payé à Izabeau Tarnonne par le Florentin Jean Pomel

"pour avoir tué Vidal Aymard son fils lors d'une opération contre les camisards rescapés du combat de la tour de Billot"
Texte communiqué par Richard Bousiges

ADG II E 51/ 666 Honoré Bouquet
" L'an 1703 et le septième jour du mois de mai avant midi par devant nous notaire royal et en présence des témoins bas nommés, establies en personne Izabeau Tarnonne originaire de la paroisse de (_) Saint Rome ( ?) diocèse de St-Flour résidante à la ville d'Allez, d'une part et Jean Pomel broquier de la paroisse de Saint Florent, d'autre, lesquelles parties sachant que ledit Pomel venant avec un nombre de soixante et dix hommes de la paroisse de Saint Florent de faire perquisition par l'ordre de monseigneur le maréchal avec une compagnie d'Irlandais de la troupe des camisards qui échappèrent du choc qui se donna à la Tour de Bilhot près Bagard mardi dernier et se retirant le lendemain en ladite paroisse avec lesd. hommes, led. Pomel ayant descouvert le dénommé Vidal Aymard, fils de la tarnonne qui se tenait caché sous un buisson, lui avait dit d'en sortir et (de) lui dire s'il était camisard, espion ou catholique ancien. Et quoi que led Aymard veut lui répondre, néanmoins aurait pris la fuite sans lui rien dire ; ce qu'ayant donné lieu aud Pomel de croire que le dit Aymard était un camisard et espion, vu son silence et sa fuite lui aurait lâché un coup de fusil dont il serait mort. Et d'abord led Pomel aurait été amené en présence de Monseigneur le Maréchal auquel l'exposition du fait ayant été fidèlement faite, Monseigneur aurait renvoyé absous led. Pomel sur le fondement que ledit Aymard avait pris la fuite et n'avait voulu rien répondre. Néanmoins lad Tarnonne en qualité de mère dud Aymard croyant led Pomel être dans le tort, ignorant la chose et la manière (dont) elle se passa, voulait venger en justice la mort de son fils en faisant faire condamner led Pomel aux peines de droit ; mais ayant été pleinement informée du fait elle a reconnu led Pomel innocent et n'avoir aucun tort n'ayant fait que son devoir suivant l'art militaire et le rang qu'on lui avait donné. Et néanmoins ladite Tarnonne l'a prié de la gratifier, attendu sa misère, de quelque chose à quoi led Pomel s'étant accordé par un seul motif de charité lui a présentement et réellement donné au vu de nous, notaire royal et témoins, la somme de trois livres douze sols dont elle l'acquitte et une salmée de châtaignes blanches payable le jour de la saint Antoine prochain, et moyennant ce, lad Tarnonne a promis quitter et faire être quitte et descharger led Pomel vu son innocence de toutes les actions recherches et demandes qu'on pouvait lui faire. Comme par le présent acte, elle le tient quitte et deschargé tant envers elle, la justice que tout autre quelconque à peine de tous dépends ; et à cet fin a obligé ses biens présents et avenirs aux rigueurs des cours … "

Commentaire de Richard Bousiges :
Ci-joint un actre trouvé chez le notaire Bouquet de Saint Florent que je m'empresse de vous communiquer pour le site.
L'acte est intéressant à plus d'un titre :
1) il illustre la capacité des saints florentins à se mobiliser : 70 hommes sont participants, c'est à dire la moitié des chefs de famille de Saint florent puisqu'il y avait 146 chefs de famille à la capitation de 1704.
2) il nous apprend que les saints florentins étaient présents dans le combat de la tour de Billot (pas signalé dans Bosc par exemple) et utilisés comme troupes supplétives et déjà organisés en tant que telles (Pomel intervient selon "l'art militaire" et son rang)
3) il nous apprend le nom d'un des camisards blancs de St-Florent alors que jusqu'à présent aucun nom ne nous été parvenu
4) on voit la rapidité de la transaction juridique : elle intervient une semaine après les faits
5) enfin dernier constat : la vie ne vaut pas chère : 3 livres 12 sols et une salmée de châtaignes blanches....
...
R. Bousiges


* Florentin : habitant de Saint Florent (aujourd'hui Saint-Florent sur Auzonnet dans le Gard). Les florentins, catholiques farouches, s'étaient organisés, à partir de leurs milices de bourgeoisie, en véritables troupes, chargées au départ de défendre leur territoire des incursions camisardes, puis servant essentiellement de troupes supplétives aux troupes royales "officielles", achevant les blessés et pillant ce qui restait dans les maisons après leur action (P. R.).

La région de St-Ambroix (carte de Cassini)

Laisser un commentaire