Projet de « Chemins camisards »

ou "Chemins de la résistance protestante" ou "Chemins Huguenots"

Le dimanche 16 octobre 2005, la commission d'action du Club Cévenol était réunie à Florac essentiellement autour du thème : "Chemin des premiers camisards".
Roger Lagrave a tout d'abord exposé le projet directement inspiré du livre d'Henry Mouysset "Les premiers camisards" : baliser un chemin de randonnée allant de Barre-des-Cévennes au Pont-de-Montvert via Saint-Julien-d'Arpaon. Trois panneaux explicatifs, placés au départ, à l'arrivée, ainsi qu'aux Trois Fayards, donneraient des informations historiques aux randonneurs leur permettant de mieux comprendre les tragiques événements de juillet 1702 qui provoquèrent le début de la guerre des camisards.
Henry Mouysset a ensuite pris la parole en précisant qu'il était d'accord pour participer activement à la concrétisation de ce projet mais qu'il lui paraît important de ne pas exclure la possibilité de créer plusieurs "chemins camisards" dans les Cévennes.
Daniel Travier est alors intervenu pour faire un historique de l'utilisation du concept "camisard" dans le développement culturel et touristique des Cévennes. Il considère que la mémoire protestante cévenole est un bien commun dont personne n'a le monopole et qu'il convient d'organiser la découverte de cette mémoire par des itinéraires sur l'ensemble du territoire, après avoir largement consulté les populations concernées et obtenu un large consensus. Il se dit favorable à la création d'une commission "Chemins de la résistance protestante".
Suite à ces trois interventions, s'est alors engagé une discussion passionnée, mais très constructive, parmi les nombreuses personnes présentes à cette réunion. En effet, pourquoi un seul "chemin camisard" ? Ne serait-il pas utile d'envisager la création de plusieurs "chemins camisards" à travers les Cévennes lozériennes et gardoises et d'informer toutes les personnes susceptibles d'être intéressées par la concrétisation de tels projets ?
En définitive, l'idée de créer la commission "Chemins des camisards" est retenue par l'ensemble des participants. Première réunion de cette commission : très certainement fin novembre 2005.
A suivre….

Intervention de Daniel Travier

ITINERAIRES TOURISTIQUES PROTESTANTS :

L'intérêt touristique de l'histoire protestante cévenole n'est pas nouveau et le Club Cévenol l'a évoqué dès ses origines.
Robert Louis Stevenson n'a-t-il pas choisi les Cévennes pour découvrir le "Pays des Camisards" dont il avait découvert l'histoire à la lecture de Michelet, histoire lui rappelant celle des Covenenters écossais que sa nourrice lui racontait dans son enfance ? N'avait-il pas emporté dans ses bagages pour seul livre Les pasteurs du Désert de Napoléon Peyrat, le premier ouvrage protestant réhabilitant les camisards encore controversés dans le protestantisme officiel.

Bref rappel des principaux guides ou propositions d'itinéraires protestants en Cévennes :
Jacques PORCHER, "Le pays des camisards", dans la série Les étapes d'un touriste en France, Paris, 1894.

Henri BOLAND, "Au pays des camisards, les Cévennes des Gardons", in L'Echo des touristes, Novembre 1907, et dans Causses et Cévennes, 1907, n°4. Henri Boland a été un des grands responsables du tourisme en France : Directeur du service voyage au Touring Club de France, Pt du Club Cévenol, c'est lui qui a fait la refonte des guides Joanes.

Charles DHOMBRES, Six jours en Pays Camisard, Paris, 1926.

Gaston TOURNIER, Au pays des Camisards, Musée du Désert, 1931.

Note de la préfecture du Gard "sur le tourisme religieux en Cévennes" : Projet de financement d'une étude sur les possibilité touristiques offertes par les souvenirs de l'histoire du Protestantisme Cévenol, 23 mars 1965, 8pp. Destiné à la Mission Interministérielle et à la SEMAG (Société d'Economie Mixte d'Aménagement du Gard), ce rapport n'a semble-t-il pas eu de suite officielle, mais André Bernardy qui en était à l'origine dans le cadre des SI du Gard a rédigé avec le pasteur Lhermet un ouvrage en forme de guide.

A. BERNARDY et R. LHERMET, Itinéraires protestants dans le Gard et les Cévennes, Uzès, 1969.

Roger LAGRAVE (dir.) "Dans les Cévennes sur la trace des Camisards", in la revue Chemin, n°2, 1983. Il s'agit d'une proposition plus particulièrement adaptée à la randonnée pédestre.

Daniel TRAVIER, "Itinéraire camisard, trois jours en terre cévenoles", in Historia, novembre 1992.

Signalons au passage en 1993 le dépliant Paris et Aux environs de Paris, les protestants hier et aujourd'hui, réalisé par l'Equipe Régionale Protestante en Ile de France et la SHPF, avec le concours de la FPF, de la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites et de l'AFIT (Agence Française de l'Ingénierie Touristique).

Colloque d'Alès des 27 & 28 mai 1994 : "Quel tourisme pour les Cévennes de Demain", deux interventions : Flavienne DUMAS, "Itinéraires protestants en Cévennes" et Daniel TRAVIER, "Les itinéraires culturels" in Causses et Cévennes, 1995, n°4, (actes du colloques).
En 1995 l'équipe Accueil-Tourisme-Témoignage de l'Eglise Réformée de France en Cévennes-Languedoc-Roussillon sous la responsabilité du Pasteur Christian BOUZY et de Philippe CHAMBON, mandatée par le conseil régional de l'Eglise réformée a engagé une importante réflexion sur la mise en place de "circuits protestants". Bien que n'appartenant pas à L'Eglise réformée j'ai été associé à ce travail à divers titres : j'y représentais le Club Cévenol, j'y apportais ma propre réflexion et mon expérience sur les itinéraires culturels, enfin j'y étais aussi en tant que protestant appartenant à une église autre que l'ERF. Pendant plus d'un an ce groupe s'est réuni, a mené des consultations auprès des paroisses et des personnalités intéressées par cette thématique et a beaucoup appris sur la manière dont les protestants engagés dans les paroisses appréhendaient ces itinéraires. Ce travail a abouti à un ouvrage collectif édité au Presses du Languedoc, rédigé par un groupe d'historiens (Philippe Joutard, Patrick Cabanel, Camille Boudes, Jean Paul Chabrol, Philippe Chambon, Jacques Poujol, Pierre Rolland, Jérôme Sabatier, Daniel Travier) dont la plupart étaient proches du Club Cévenol, mais avec une large participation des paroisses, des érudits locaux et autres personnes qui s'étaient intéressé au projet en essayant de ne laisser personne au bord de la route. C'est environ une cinquantaine de personnes qui a collaboré à cette œuvre intitulé Itinéraires protestants en Languedoc XVIe-XXe siècles dont le premier tome consacré aux Cévennes est sorti en 1998.

Sur les traces des Huguenots des Cévennes à la Méditerranée, est une petite brochure proposant 4 itinéraires, publiée par la Maison du protestantisme à Nîmes en 1996.

Notons que sous la direction le Laurent PUECH a aussi été publié en 1997 Languedoc protestant, XVIe-XVIIIe siècles, Itinéraires huguenots, Languedoc, Cévennes, Rouergue.

Chez nos voisins ardéchois paraissait en 1998 Chemins huguenots de l'Ardèche, itinéraires et promenades.

Enfin en 1998 aussi, Etienne Passebois, maire de St-Frézal-de-Ventalon, proposait des randonnées pédestres, à partir de 11 lieux de mémoire protestants des hautes Cévennes (dans le triangle Pont-de-Monvert, Génolhac et le Collet de Dèze). La première édition était modestement éditée sous le titre En Cévennes : Randonnée Huguenote sur les pas des camisards. Une seconde édition imprimée par le PNC est parue en 1999.

Que faire aujourd'hui ?
Aujourd'hui nous est proposé un itinéraire des Premiers camisards reprenant les lieux évoqués dans le remarquable ouvrage d'Henry Mouysset publié en 2002 pour le tricentenaire et intitulé Les premiers Camisards juillet 1702, qui nous restitue presque heure par heure les évènements des premiers jours de la "Guerre des Cévennes".
D'autres projets sont dans les cartons. Le CDT de la Lozère a un projet en gestation sur le canton de Pont-de-Monvert. Un comité s'est créé et y réfléchit dans la direction d'un programme de trois jours avec accompagnateurs pour les groupes et fiches guides pour les individuels.

Les consultations que nous avions été amenés à faire en 1995 avec l'équipe Accueil-Tourisme-Témoignage de l'Eglise Réformée et la connaissance qu'elles nous ont donnée du sentiment que "des produits touristiques" inspirent aux protestants cévenols nous amènent à faire quelques remarques et à proposer quelques pistes de réflexions.

Le phénomène camisard en Cévennes a été fondateur d'une prise de conscience identitaire tardive (fin du XIXe siècle) mais extrêmement forte. Même dans les bastions catholiques et par opposition, ce phénomène a largement participé à la structuration de l'identité minoritaire. Mais quand on parle du phénomène camisard en Cévennes c'est dans une acception extrêmement large. Toutes les enquêtes orales montrent que les Cévenols emploient indifféremment les expressions "temps des camisards" et "temps des persécutions". Généralement quand ils parlent des Camisards, il englobent toute la résistance huguenote cévenole. Limiter donc la démarche touristico-culturelle à la seule guerre des camisards serait une fâcheuse erreur. Même si l'appellation "Camisard" s'avère porteuse auprès des publics. La mémoire cévenole porteuse de l'identité, s'enracine sur plus d'un siècle, sur toute l'histoire de cette résistance au totalitarisme d'état pour la liberté de conscience. Le cévenol ne dissocie pas la révolte armée de 1702 de l'héroïque résistance pacifique de la clandestinité qui malgré les persécutions a permis de conserver la foi des pères sur quatre générations.
Cette mémoire, les cévenols la vivent dans leur tête, dans leur cœur et dans leurs tripes. Et s'ils lui reconnaissent une dimension culturelle touchant à des valeurs universelles (droits de l'homme), pour beaucoup elle conserve toujours une essence religieuse, spirituelle et donc sacrée qui touche à leur foi personnelle. D'une manière générale les protestants cévenols sont fiers et très jaloux de leur appartenance historique. Et s'ils sont favorables à faire connaître cette histoire, à partager cette mémoire avec les visiteurs qui la respectent, ils ne tolèrent pas qu'on la dénature, notamment en occultant sa part spirituelle, et surtout qu'on l'utilise à des fins commerciales et mercantiles. Et c'est pour cela qu'il est difficile de créer de véritables produits touristiques sur ce thème. Le mot même de produit que l'on vend est dans ce cas inconvenant. Combien de fois ai-je entendu "les camisards ne sont pas à vendre".

Pour bon nombre de protestants encore actifs dans les paroisses, cette mémoire s'enracine certes dans le passé, mais elle le transcende. Ils ne peuvent la dissocier de leur présent et de leur futur. Parler le la mémoire camisarde pour eux c'est aussi évoquer leur foi et leurs engagements présents. Beaucoup souhaitent que parlant de l'histoire on puisse aussi engager avec les visiteurs des échanges sur le sens de leur vie aujourd'hui.

Enfin l'attachement à cette histoire, à cette mémoire est ce qu'il y a de plus partagé dans ce pays. Il en est partout imprégné. Ne mettre en place qu'un dispositif unique sur un secteur privilégié, serait ailleurs vécu comme une injustice et susciterait de lourds ressentiments.

Pour toutes ces raisons il convient
Ø d'agir avec une grande prudence, dans le respect des uns et des autres,
Ø de ne pas se précipiter, de consulter les populations, notamment les paroisses, et d'associer ceux qui le souhaitent à la réflexion qui débouchera sur une offre structurée.
Ø Ces offres doivent pouvoir couvrir l'ensemble du territoire cévenol, être créés partout où s'en manifeste le désir,
Ø Elles doivent intégrer toute l'histoire protestante, jusqu'à aujourd'hui et non le seul épisode camisard. Il ne faut pas occulter le XIXe, à 2 exceptions près tous les temples cévenols ont été construits à cette époque, et surtout le rôle refuge des Cévennes protestantes pendant la seconde guerre mondiale
Ø Ces offres ne doivent pas avoir de connotation commerciale,
Ø Elles doivent être souples, pouvoir s'adapter à la demande très variée dans le domaine, entre un groupe paroissial protestant ou catholique et un comité d'entreprise la demande n'est pas forcément identique.
Ø Il est souhaitable qu'elles intègrent une part d'actualité protestante, et qu'elles utilisent pour cela des personnes ressources prises dans les paroisses,
Ø Ces itinéraires nécessitent des outils de circulations, des clefs pour faciliter la compréhension et l'interprétation de sites sur lesquels, souvent il n'y a rien à voir mais seulement à se laisser imprégner par une histoire. Pour les individuels c'est une documentation adéquate écrite ou sonore, pour les groupes un guide accompagnateur compétant s'impose.
Ø L'exigence de qualité est indispensable :
- la rigueur scientifique doit être exemplaire, et donc les accompagnateurs doivent être d'un bon niveau et particulièrement bien formés, y compris avec un minimum de connaissances en matière religieuse car bien des publics, très ignorants, questionnent sur le fonds. On peut vite déraper et faire des contresens.
- La documentation doit être soignée tant dans la forme que sur le fonds
- Les prestataires y compris hébergeurs et transporteurs doivent être liés par une charte de qualité et avoir un minimum de connaissances, n'importe qui ne peut faire n'importe quoi.
- Cela implique certainement un label sur lequel on puisse communiquer.

Sans doute avant tout faut-il imaginer une structure représentative et reconnue sur l'ensemble des Cévennes, pouvant s'appuyer sur un comité apportant une caution scientifique et éthique au contenu des produits comme de la documentation. Ce comité comme celui du site camisards.org pourrait rassembler les historiens du protestantisme cévenol, les représentants des structures spécialisées et au premier chef le Musée du Désert, des représentants des églises protestantes. Le club Cévenol, par son ancienneté, par le fait qu'il est reconnu sur l'ensemble du territoire, a certainement un rôle à jouer. Il en va de même du Parc national des Cévennes qui peut apporter un concours technique comme il le fait pour les sentiers autour de Parc. On pourrait imaginer une nouvelle série de sentiers d'interprétation sur la thématique huguenote.

Un tel dispositif a ponctuellement bien fonctionné en 2002 pour les manifestations du tricentenaire du début de la guerre des camisards. Le club Cévenol en a été à l'initiative, il a désigné ses responsables qui avec le PNC ont mis en places les manifestations qui sont entrées dans le programme du Festival Nature en travaillant avec tous ceux qui souhaitaient y participer : individus, associations et collectivités. Cependant, le bas pays de Gardonnenque qui n'y a pas vraiment été associé, en a gardé un certain ressentiment. Dans un second temps il a mis en place ses propres manifestations commémoratives. Cette expérience est me semble-t-il assez exemplaire. Ses enseignements nous seront utiles tant pour les aspects positifs que pour les négatifs à ne pas renouveler.

Les Trois Fayards

par Henri Mouysset

Aux Trois Fayards, ce très important lieu du souvenir protestant, se sont rassemblés les "révoltés" que l'on allait bientôt appeler camisards, réunis là afin de marcher sur la maison où l'abbé du Chaila tenait prisonnier des fugitifs cévenols. Cette descente sur le Pont-de-Montvert, au chant des psaumes, aboutit au meurtre, prémédité ou non, de l'abbé du Chaila, symbole de la persécution papiste dans les Cévennes. Henry Mouysset, auteur de "Les premiers camisards", nous raconte les recherches qui allaient aboutir à redécouvrir ce lieu. Une réunion "commémorative" s'est tenue aux Trois Fayards le 24 juillet 2002, et nous espérons que les quelques photos présentées ici en restituent l'atmosphère très émouvante. P. R.

Depuis de nombreuses années, j'étais à la recherche du célèbre lieu " Les Trois Fayards ", en français " Les Trois Hêtres " ou en occitan " Los Tres Faus ". En effet, c'est là où s'étaient rassemblés le 24 juillet 1702 les premiers " attroupés " avant d'aller au Pont de Montvert libérer les prisonniers retenus dans la maison André et tuer l'abbé du Chaila. Selon les témoignages d'époque de Jean Rampon et d'Abraham Mazel, ainsi que d'après la tradition orale, ce lieu de rendez-vous se trouvait à l'extrémité de la forêt d'Altefage, proche du sommet du massif du Bougès (Lozère).
Il y a trois ou quatre ans, dans le cadre des recherches effectuées pour la rédaction de mon livre " LES PREMIERS CAMISARDS " (Presses du Languedoc - juillet 2002 -), en consultant le Plan Ancien de Cassagnas de 1822 aux Archives Départementales de la Lozère, j'ai découvert sur la parcelle N°130 …un petit dessin composé de trois arbres représentant le lieu-dit " Les Trois Faus ". Par ailleurs, Mr Guin, originaire de Mijavols et ancien berger, m'avait conduit à la source dite des " Trois Fayards " qui se trouve à la limite sud-est de cette même parcelle N°130 entièrement recouverte d'une épaisse forêt de résineux.
Fort de ma découverte historique, dans le cadre des cérémonies de commémoration du tricentenaire du début de la guerre des camisards, ayant obtenu les accords du directeur du PNC et du directeur départemental de l'ONF (à qui appartient cette parcelle), il ne me restait donc plus qu'à concrétiser mon projet : faire replanter trois hêtres à l'endroit précis indiqué sur le Plan Ancien de Cassagnas.
Rendez-vous fut donc fixé sur le Bougès, très exactement le 11 août 2001, avec des techniciens de l'O.N.F. pour planifier, sur le terrain, les modalités techniques de cette plantation. Mais - ô très grande surprise - à l'endroit précis, nous avons découvert trois énormes cépées de hêtres, sans aucun doute issues des trois gros hêtres coupés lors du reboisement de 1909, cachées jusqu'à ce jour par la forêt de résineux !
Passionné par l'histoire des camisards, devenir réinventeur de ce lieu de mémoire fut pour moi un intense moment d'émotion ! Inutile donc de replanter trois jeunes hêtres : la cérémonie commémorative pourrait se dérouler autour des trois cépées existantes, une fois le lieu requalifié par l'O. N. F. .
Ainsi, le 24 juillet 2002 au matin, en ouverture des cérémonies commémoratives, une centaine de personnes se sont regroupées aux " Trois Fayards " pour évoquer la mémoire des Mazel, Rampon, Séguier, Courderc, Mazauric… qui préparèrent à cet endroit précis leur " opération commando " du Pont de Montvert.

Henry MOUYSSET
(le 22 septembre 2002)

Ruffières, lieu d’assemblées

(commune actuelle des Salles-du-Gardon, près de la Grand-Combe)

Ruffières est un grand mas situé au haut d'un vallon au-dessus du village de la Favède, dans la direction de la montagne qui sépare ce village de celui de Lamelouze. C'est un lieu idéal pour des assemblées clandestines : dans un vallon isolé, au coeur d'un pays profondément protestant, pas très éloigné des villages de la Favède, de Branoux (paroisse de Blannaves), de Lamelouze et de la vallée du Galeizon.

Le vallon de Ruffières

Le mas lui-même est habité par la famille Pouget, des protestants à toute épreuve. Deux assemblées s'y sont tenues à une semaine d'écart, mais c'est surtout la seconde qui a laissé des traces dans les archives (AD34 C 182 et183). Elles sont particulièrement importantes, car tenues peu avant le déclenchement de la guerre des camisards, dans la première quinzaine du mois de mai 1702. Plusieurs de ceux qui vont bientôt tuer l'abbé du Chayla pourraient y avoir assisté (en tout cas ils en sont fortement soupçonnés par les autorités) tels Gédéon Laporte ou "Salamon prédicant de Saint-Jean" qui pourrait être soit Salomon Couderc, soit Abraham Mazel de Saint-Jean-de-Gardonnenque. Plusieurs prophètes se sont succédés au cours de cette assemblée : Abraham Pouget dont on peut lire les interrogatoires et une courte biographie sur ce site, Louis Brès qui avait été chantre à Branoux, et surtout Jean Astruc dit Mandagout (voir également son interrogatoire).

Deux espions assistent à l'assemblée, et leurs dénonciations provoqueront de nombreuses condamnations dans les hameaux et communes environnantes.

La Maison natale d’Abraham Mazel à Falguières

La maison natale d'Abraham Mazel en cours de restauration.

Localisation : La Maison natale d'Abraham Mazel surplombe le Hameau de Falguières et le Gardon de St-Etienne-Vallée-Française/Mialet, rive gauche. Pour s'y rendre à partir de Saint-Jean-du-Gard, prendre la direction de St-Etienne-Vallée-Française et au sommet du petit col de Lamira (environ 3 kms) prendre la petite route à droite en direction de Falguières. Traverser le hameau, la Maison se trouve au-dessus, légèrement en amont.

Historique : Ecrit indifféremment au cours des siècles Faugières, Falguière ou Falguières, ce hameau tire son nom de la fougère abondante à cet endroit. Ce hameau était autrefois exclusivement peuplé d'agriculteurs (châtaigniers, mûriers, cultures maraîchères), tous éleveurs et travaillant la laine. Falguières possède aussi une source d'eau chaude (située dans une propriété privée) qui est déjà mentionnée au Moyen Age sous le nom de "Font-Caude". Aujourd'hui ce hameau est habité par quatre familles d'agriculteurs, éleveurs, tandis qu'une soixantaine de personnes y résident de façon permanente ou saisonnière. Une clède encore en activité, aux Pomarèdes, et un moulin permettent la commercialisation de farine de châtaigne. On y récolte aussi du safran.

Perchée un peu au-dessus, la Maison natale d'Abraham Mazel domine le hameau. Le chef (prophète) camisard Abraham Mazel est né dans cette demeure le 5 septembre 1677. Cette vieille bâtisse d'architecture typique d'un habitat cévenol rural a appartenu à la famille d'Abraham Mazel depuis au moins 1548.

Les différentes parties de cette maison (base de tour, dépendances…) montrent qu'elle a été considérablement modifiée et adaptée aux familles qui l'ont successivement habitée. A l'intérieur de la maison on peut voir encore la trappe qui permettait, comme dans toutes les demeures cévenoles, de rapidement gagner la cave pour s'enfuir si cela était nécessaire. Les voûtes intactes de la cave ainsi que la fenêtre de laquelle Abraham Mazel sauta en décembre 1704 pour échapper aux soldats venus l'arrêter, sont les témoins de cet épisode camisard. A la suite de la mort de Mazel (Uzès 14 octobre 1710) et de son jugement (post mortem - 18 octobre 1710), la maison fut incendiée, entraînant la destruction de la partie haute.

Maison natale d'Abraham Mazel : la fenêtre d'où il sauta pour échapper aux soldats qui venaient l'arrêter en janvier 1705

A partir de ce moment, les biens de la famille Mazel ayant "été confisqués", elle changea de propriétaire pour appartenir dès le début du XIX° siècle à la famille Salles originaire de Lozère et venue s'installer dans les Basses-Cévennes. En juin 1995 elle fut rachetée par l'Association Abraham Mazel qui en est aujourd'hui propriétaire et qui y développe un projet de restauration et de préservation des espèces naturelles anciennes et y installe un centre culturel dédié aux résistances. (Renseignements tél: 04 66 85 33 33)
Les différentes parties de cette maison (base de tour, dépendances…) montrent qu'elle a été considérablement modifiée et adaptée aux familles qui l'ont successivement habitée. A l'intérieur de la maison on peut voir encore la trappe qui permettait, comme dans toutes les demeures cévenoles, de rapidement gagner la cave pour s'enfuir si cela était nécessaire. Les voûtes intactes de la cave ainsi que la fenêtre de laquelle Abraham Mazel sauta en décembre 1704 pour échapper aux soldats venus l'arrêter, sont les témoins de cet épisode camisard. A la suite de la mort de Mazel (Uzès 14 octobre 1710) et de son jugement (post mortem - 18 octobre 1710), la maison fut incendiée, entraînant la destruction de la partie haute. A partir de ce moment, les biens de la famille Mazel ayant "été confisqués", elle changea de propriétaire pour appartenir dès le début du XIX° siècle à la famille Salles originaire de Lozère et venue s'installer dans les Basses-Cévennes. En juin 1995 elle fut rachetée par l'Association Abraham Mazel qui en est aujourd'hui propriétaire et qui y développe un projet de restauration et de préservation des espèces naturelles anciennes et y installe un centre culturel dédié aux résistances. (Renseignements, tél: 04 66 85 33 33)

Cette Maison et toutes les montagnes qui l'entourent sont vraiment les lieux de prédilection du chef camisard. C'est là qu'il a vécu jusqu'à son engagement dans la révolte camisarde, à la suite d'une "révélation" qu'il aura le dimanche 9 octobre 1701, au cours d'une assemblée clandestine. C'est là qu'il se retire soit par désir de mener une réflexion personnelle, soit pour chercher le réconfort à la suite de maladies. C'est là qu'on essaye de l'arrêter. C'est dans le château de Marouls, juste en face, qu'on le pourchasse (6 janvier 1705). C'est dans ces vallons qu'il s'oppose au capitaine Poul, (septembre 1702) ou qu'il cache ses troupes. C'est sur les monts environnants (Acam des Aigladines) qu'il donne rendez-vous aux autres chefs (Rolland, Cavalier -septembre 1702) ou que Jacques Savin le retrouve après son évasion de la Tour de Constance (24 juillet 1705).

Lieu de mémoire : Cette Maison et les lieux qui l'entourent, par la série d'événements dont il furent tour à tour le théâtre, correspondent à la définition que Pierre Nora attribue aux lieux de Mémoire. En effet, si elle fut, en premier, le témoin de la résistance des camisards, elle fut aussi refuge pour les maquisards pendant la deuxième guerre mondiale (suivant un témoignage oral que nous a livré - en juillet 1995- le pasteur Pierre Chaptal, aumônier du maquis allemand résistant aux côtés des maquis français, alors qu'il fuyait on l'avait prévenu "qu'il pouvait monter la-haut dans la vieille Maison, qu'il y trouverait refuge". Ce qu'il fit.). Enfin lors de l'opposition des habitants de la Vallée Française au projet de barrage de la Borie, en 1992, cette maison fut choisie comme lieu d'expression de la résistance et de c'est de là en particulier que partit l' "Appel en destination des Pays du Refuge". Voir la biographie d'Abraham Mazel et sa généalogie.

La maison natale de Pierre Laporte et le Musée du Désert

Après la mort de Pierre Laporte au château de Castelnau-Valence, et la reddition des camisards, deux de ses frères s'exilèrent en Hollande, ses parents et ses frères et sœurs demeurant au Mas Soubeyran (après leur libération, pour plusieurs d'entre eux, de la prison de Perpignan). Depuis, la maison natale de Rolland était toujours restée la propriété des Laporte, et régulièrement visitée au 19e siècle.

Le Mas Soubeyran

L'arrière petit-neveu de Rolland, Jean Laporte,y montrait quelques souvenirs pieusement conservés: la Bible de Rolland, une Bible du 16e siècle, une hallebarde. Il montrait également la cachette dont l'accès était dissimulé dans une armoire qui servit d'après la tradition à Rolland.

La "Bible de Rolland"

Des difficultés économiques ayant contraint le dernier descendant de Rolland à hypothéquer sa maison, la Société de l'Histoire du Protestantisme lança une souscription pour lui permettre de terminer ses jours au Mas Soubeyran, et éviter par la même occasion le risque de voir tomber la maison entre les mains de propriétaires peu soucieux de sa valeur symbolique.

Devenue propriété de la Société de l'Histoire du Protestantisme de France, la maison de Rolland devient alors, à l'initiative de Franck Puaux et d'Edmond Hugues, avec l'aide et l'appui de nombreux pasteurs et laïcs cévenols ou non-cévenols, le musée du Désert. L'inauguration a lieu le 24 septembre 1911, et un culte se tient en plein air, comme au temps du Désert. Depuis cette date, tous les ans à l'exception de quelques années de guerre, se tient l'assemblée du Désert, réunissant parfois plus de vingt mille personnes dans une ambiance à la fois recueillie et joyeusement familiale. C'est le premier dimanche de septembre qui a été choisi depuis 1928 pour ces retrouvailles du monde protestant, débordant largement le cadre : de tous les pays du Refuge affluent ce jour-là nombre des descendants des fugitifs des années noires.

Allocution de Franck Puaux à l'inauguration du Musée de Désert

Le matin a lieu le culte, sous les chênes et les châtaigniers, terminé par la sainte Cène, puis, après le pique-nique champêtre, l'après-midi est consacré à des exposés érudits d'historiens touchant l'histoire protestante (André Chamson y prit sept fois la parole), à la visite du Musée, à l'achat de livres ou de souvenirs. La Cévenole, l'hymne composé en 1885 par Ruben Saillens, clôt la journée.

Le Musée s'est considérablement enrichi depuis son ouverture en 1911. Sont évoqués tous les grands noms du protestantisme français, le martyr Claude Brousson, les camisards Cavalier et bien sûr Rolland, les pasteurs Antoine Court et Paul Rabaut. Un bâtiment neuf bien intégré dans les bâtiments anciens est achevé après la guerre de 14-18, et honore la mémoire des prisonniers et prisonnières pour la foi, des galériens, de tous ceux qui souffrirent dans leur cœur et dans leur chair pour continuer à exercer leur religion.

Enfin, il ne faut pas oublier que le Musée du Désert est un lieu de documentation et d'archives, où le chercheur, qu'il soit amateur ou professionnel, est bien accueilli, avec compétence, a sous la main une importante bibliothèque dans ce havre de paix, sous le regard émouvant de la Marie Durand de Jeanne Lombard.

D'après le texte de Patrick Cabanel et Daniel Travier, Itinéraires protestants, tome 1 Cévennes, pages 368 à 375 (Presses du Languedoc)


Le musée est ouvert tous les jours
du 1er mars au 30 novembre de 9h30 à 12h00 et de 14h00 à 18h00.
Du 1er juillet au 1er dimanche de septembre,
ouverture permanente de 9h30 à 19h00

MUSEE DU DESERT
Le Mas Soubeyran F 30140 MIALET
Tél: 04 66 85 02 72 Fax : 04 66 85 00 02
Musee@museedudesert.com

La maison de l’abbé du Chaila au Pont-de-Montvert

par Claire Guiorgadzé, architecte du Patrimoine

L'auteur de cette étude, Claire Guiorgadzé, est architecte du patrimoine, chargée d'étude pour la ZPPAUP du Pont-de-Montvert, et présidente du Lien des Chercheurs Cévenols. Deux de ses études sur le Pont-de-Montvert ont d'ailleurs été publiées dans les numéros 125 et 126 du bulletin de cette association. A signaler encore que Claire Guiorgadzé prépare un important texte de synthèse sur le Pont-de-Montvert pour les actes du colloque historique "Les camisards et leur mémoire" qui se déroulera au Pont-de-Montvertles 25 et 26 juillet 2002. Ces actes seront publiés par les Presses du Languedoc au début du mois de septembre 2002.

 

La maison de l'abbé du Chaila au Pont-de-Montvert était située au confluent du Tarn et du Rieumalet, sur la rive droite des deux rivières, au débouché du pont de pierre. Dans la nuit du 24 au 25 juillet 1702, cette bâtisse fut prise d'assaut par la troupe de camisards venus délivrer de jeunes gens que l'abbé tenait prisonniers dans ses cachots. L'abbé tenta de s'enfuir par le jardin, fut tué à l'entrée de la place du bourg, et la maison fut incendiée ; cet événement marqua le déclenchement de la guerre des Camisards (1702-1710).
Sans que l'on sache précisément ce qu'il reste de la maison réellement habitée par l'abbé du Chaila, son emplacement reste un lieu de mémoire, connu à travers toutes les Cévennes pour cet évènement historique.

PLAN DE SITUATION : Le bourg du Pont-de-Montvert aujourd'hui. En noir : l'emplacement de la maison de l'abbé du Chaila, sur la rive droite du Tarn, au confluent du Rieumalet, et au débouché du pont. Ce quartier a dépendu autrefois de la paroisse, puis de la commune de Fraissinet-de-Lozère ; il a été rattaché à celle du Pont-de-Montvert en 1860. (+ + +) Limite communale actuelle. (…) Limite communale avant 1860

 

Des photographies et des cartes postales des années 1900-1950 montrent la maison telle qu'elle était encore à cette date : une grande bâtisse sous un comble à deux versants, couvert en lauzes, et une maison plus petite à l'angle du pont, également couverte en lauzes. Les deux maisons étaient élevées de quatre niveaux : caves enterrée du côté de la rue et ouvertes sur le jardin du côté du Tarn, rez-de-chaussée de plain pied avec la rue, deux étages carrés et comble. Côté sud, la façade de la grande maison s'éclairait de cinq travées de fenêtres dans les étages ; la petite maison d'une seule travée de fenêtres. Les deux maisons étaient réunies du côté du Tarn par une étroite terrasse en pierre, formant une coursive le long de la façade, portée par quatre arches en plein cintre : ce portique existe encore aujourd'hui. A partir du rez-de-chaussée, les façades actuelles datent de 1954 : elles ont été démolies et rebâties en retrait pour l'élargissement de la rue.

La maison où a été tué l'abbé du Chaila est située à gauche, avec son jardin et ses arcades bien reconnaissables. Cette carte postale, qui date des années 1900-1910, et le plan ci-dessous permettent de bien la situer dans l'ensemble de la commune du Pont-de-Montvert

 

En noir : l'emplacement de la maison de l'abbé du Chaila, sur la rive droite du Tarn, au confluent du Rieumalet, et au débouché du pont.

 

Il existe une description de la maison de l'abbé du Chaila en 1702, faite dans le cadre de l'enquête qui a suivi le meurtre:

"Maison située sur le bout du pont de Montvert au bord de la rivière faisant face au midy, composée de quatre membres à plein pied. Deux desquels n'étaient pas voûtés que par les caves dans la terre et, au-dessus, était le logement du sieur abbé du Chaila, composé de deux étages, deux planchers et un couvert, le tout charpenté de bois de pin. Ladite maison était couverte en pierre plate ; le degré qui montait au premier et au second étage était de charpente. Il y avait deux cheminées dans l'appartement, de pierre de taille".

(AD Hérault C 257, Déposition de Jacques Desfours, architecte de la ville de Montpellier.
H. Bosc, La Guerre des Cévennes, p. 184/note 32.)

La maison apparaît également dans un compoix de Fraissinet-de-Lozère datant de la deuxième moitié du XVIIe siècle : elle appartient alors à Jean André, notaire. Ce gentilhomme huguenot fut arrêté vers 1688 et tué par des soldats, alors qu'il s'était réfugié pour ne pas abjurer dans une de ses métairies, le Mazelet dans la paroisse de St-Germain-de-Calberte. Sa maison au Pont-de-Montvert fut saisie, utilisée d'abord pour loger des soldats, avant d'être offerte à l'abbé du Chaila "pour y loger les missionnaires et pour y faire le service divin"(1) . En 1702, la maison était encore appelée maison d'André, ou château d'André du nom de son ancien propriétaire. Le texte du compoix décrit ainsi la contenance de la parcelle, où l'on retrouve une composition de la maison en quatre membres bâtis :

"Maison fougaigne à trois étages, couverte en tuiles [= en lauzes (2)] , 12 cannes 6 pans, chambre joignant 5 cannes, la maison du four 4 cannes 3 pans, court et passage au-devant 6 cannes, jardin arrosable au-dessous des maisons 3 boisseaux, maison paillère joignant la maison, 12 cannes 6 pans ; autre pailler sur le chemin 19 cannes, ayre et ayriel clos, 24 cannes."
(A.D. Lozère, EDT 066 CC 1, folio 306.)

Cette description ne peut correspondre à la bâtisse que montrent les photographies des années 1920. Il faut donc distinguer au moins trois états successifs et distincts des bâtiments sur cette parcelle:
1/ la "casature" ou habitation rurale du XVIIe siècle, telle qu'elle est décrite par le compoix de Fraissinet et par J. Desfours: la maison d'André, habitée par l'abbé du Chaila (en noir sur le plan).
2/ la grande bâtisse des XVIIIe- XIXe siècles, telle qu'on peut la voir sur les cartes postales du début du XXe siècle (en bleu sur le plan)
3/ les maisons actuelles, qui ont été en partie rebâties en 1954.

1/ La maison d'André (XVIIe siècle)

Cette maison comportait quatre membres bâtis, dont deux possédaient des caves voûtées, enterrés du côté de la rue et ouvertes de l'autre côté sur le lit du Tarn. Un seul de ces membres était élevé de 3 étages : la maison "fougaigne" (12 cannes 6 pans, soit environ 50 m² au sol), abritant le foyer, ayant deux étages de planchers au-dessus d'une cave voûtée, et un couvert en lauzes. Les autres membres abritaient la "chambre", la "maison du four" et une "maison paillère". L'ensemble était probablement réuni par un mur de soutènement du côté du Tarn, comme c'était le cas sur d'autres parcelles en bordure de la rivière (3). Au-dessous s'étendait un jardin (3 boisseaux) entouré par une haie, dans le lit du Tarn. La maison d'André ne possédait ni le portique voûté aux quatre arches en pierre portant la coursive, ni les murs de soutènement en pierre clôturant aujourd'hui le jardin sur le Tarn.

Cette maison fut entièrement détruite dans l'incendie du 24 juillet 1702, à l'exception des "basses voûtes" et d'une partie des "maîtresses murailles". Un procès-verbal de "vérification et estimation des dégâts" établi à la demande des héritiers de Jean André en novembre 1704, décrit ainsi l'état de la maison après les évènements :

"ladite maison brûlée et entièrement détruite à la réserve des basses voûtes qui subsistent encore avec partie des maîtresses murailles, que l'entier couvert de ladite maison qui contient en plafond dix-neuf cannes, et le couvert trente cannes sont entièrement ruinés, n'y ayant pas une seule tuile qui puisse servir, tous les boisages étant consumés, les cabinets en nombre de deux détruits, de même que les portes en nombre de neuf et l'escalier, ensemble deux grandes cheminées et quatre fenêtres croisées et une demi-croisée, et deux planchers."
(A.D. Hérault, C 262)
(Communiqué par Pierre Rolland.)

Le logement de l'abbé du Chaila était probablement situé dans la partie principale, la "maison fougaigne" à deux étages du compoix, puisqu'on sait qu'il comportait deux étages (J. Desfours) : "deux planchers et un couvert, le tout charpenté en bois de pin", et desservi par un escalier en bois. L'appartement comportait deux cabinets, deux cheminées de pierre de taille, quatre fenêtres doubles et une fenêtre simple, selon le procès-verbal de 1704.

La suite du procès-verbal décrit le mobilier que renfermait ce logement alors qu'il était habité par l'abbé du Chaila :

"Il nous a encore été rapporté par lesdits sieurs Pascal et Pons que les meubles qui étaient dans ladite maison appartenant audit sieur de Monfort lors de ladite incendie consistaient en une grande table de cuisine bois noyer où il y avait trois tiroirs fermant à clefs, une grande armoire bois noyer, une grande pille pierre pour faire la liscine, deux pilles à tenir l'huile, trois chalits un desquels était garni de matelas, couverte, draps, traversin et un tour de cadis vert de Montpellier, une table ronde bois noyer, un coffre bois noyer, neuf chaises à bras tapissières, une autre grande armoire bois noyer, six chaises de paille, des greniers à trois étages tenant trente cestiers, une garde-robe bois noyer, une autre table bois noyer pliante pour faire un carré et un rond, deux petites armoires dans la muraille."
(A.D. Hérault, C 262 - Idem).

2/ L'auberge (XVIIIe-XIXe siècles)

La grande bâtisse que montrent les cartes postales des années 1920 a donc été construite entre 1702 et 1819, dans l'intervalle entre l'incendie de la maison d'André et la levée du premier plan cadastral, dit napoléonien. "La France Protestante" (1846) nous apprend qu'elle abritait à cette date une auberge.
Le cadastre napoléonien montre une partition intérieure en plusieurs parcelles, qui correspond peut-être à l'ancienne composition de la maison d'André : les murs principaux et les caves voûtées demeurés debout après l'incendie de 1702 n'ont probablement pas été démolis mais plutôt réemployés par la suite. La grande bâtisse que l'on voit sur les photographies du début du XXe siècle a englobé plusieurs maisons ; leurs murs devaient demeurer dans la distribution intérieure de l'auberge, au niveau des caves et peut-être du rez-de-chaussée.
Le portique en pierre à quatre arches en plein cintre, qui porte la terrasse le long de la façade sud, fut construit au cours du XVIIIe siècle, pour desservir au rez-de-chaussée les pièces des différentes bâtisses réunies. Les maçonneries du portique sont construites contre celles des façades, dont elles ne sont pas solidaires. Les percements des murs ne coïncident pas tous avec les arches : au moins une des fenêtres des caves a été obturée par une pile ; elle a été transformée en soupirail et prend le jour au-dessus de la terrasse.
Les étages supérieurs résultaient probablement de surélévation des anciennes maisons, réunies sous un même toit de lauzes, percé de lucarnes. En 1950, la maison n'abritait plus une auberge, mais les logements de plusieurs familles ; des habitants se souviennent que les étages supérieurs étaient distribués en petites chambres séparées par de fines cloisons de part et d'autre d'un long couloir obscur.
Le virage à l'angle de la maison était tellement exigu qu'il fallait déporter les camions à l'aide d'un cric. L'angle de la maison avait été tronqué pour faciliter la circulation, comme on peut le voir sur certaines photographies. Elle fut frappée d'alignement et démolie en 1954, pour être rebâtie dans sa forme actuelle.

Evolution de la parcelle et de son environnement bâti, d'après la superposition des deux plans cadastraux.

 

  • Le cadastre napoléonien montre l'emprise bâtie de la parcelle au début du XIXe siècle ; la largeur des rues avant leur élargissement en 1954 ; la largeur du pont de pierre sur le Rieumalet (ce pont fut emporté par une crue en 1901, et remplacé par un pont métallique, qui fut à son tour remplacé par l'actuel pont en béton), et les maisons riveraines dont certaines ont été frappées d'alignement au XXe siècle.
  • Sur le cadastre actuel apparaissent l'emprise actuelle des bâtiments de la parcelle, l'alignement des maisons voisines, l'actuel pont en béton et les rues élargies. La petite maison qui était située à l'angle du pont de pierre a été démolie ; sa cave subsiste, en partie sous la voirie actuelle.

3/ Les maisons actuelles (1954).

Sur l'emplacement de la maison d'André il y a aujourd'hui deux parcelles et deux maisons d'habitation juxtaposées. Celles-ci sont élevées de trois niveaux au-dessus des caves et desservies par des escaliers distincts. La maison d'angle possède à l'angle du pont une extension à rez-de-chaussée, couverte en terrasse, abritant une ancienne boutique à l'angle du pont sur le Rieumalet.
Toutes les façades ont été rebâties en 1954, à l'exception du mur-pignon occidental, qui a été conservé en élévation : on peut encore voir sur le côté de la maison ce mur en pierre percé d'une baie ancienne au niveau des caves, et de baies modernes dans les étages supérieurs. La partie droite de la façade sur le Tarn, avec deux travées de fenêtres, dont le parement est masqué par un enduit ciment, a peut-être été conservée également (4). Du côté de la rue, les façades nord et nord-est ont été rebâties de fond en comble au nouvel alignement, en pierre et en béton, dans le style des années 1950 : murs en béton, faux appareil de pierre en façade, fenêtres en bande, encadrements de baies rehaussés par des cadres saillants en ciment moulé, peint en blanc.

 

Etat actuel de la façade ouest de la maison où a été tué l'abbé du Chaila (photo Claire Guiorgadzé)

 

Etat actuel de la façade sur le Tarn de la maison où a été tué l'abbé du Chaila (photo Claire Guiorgadzé)

 

Détail du jardin (photo Claire Guiorgadzé)

 

Etat actuel de la façade nord de la maison où a été tué l'abbé du Chaila (photo Claire Guiorgadzé)

La petite maison qui était située à l'angle de l'ancien pont a disparu. Sa cave voûtée subsiste : elle s'étend pour une partie sous la boutique construite en 1954, et pour une autre partie sous la voirie. L'accès de cette cave a été condamné ; seule une petite ouverture permet d'en voir l'espace intérieur, voûté en plein cintre. C'est peut-être l'un des cachots où l'abbé du Chaila détenait ses prisonniers, ces "basses voûtes" mentionnées en 1704 comme ayant été épargnées par l'incendie de 1702.

En résumé, et le plan détaillé des caves nous permet de bien le comprendre :

Plan schématique des caves. Chronologie de la construction (hypothèse). En pointillés, murs disparus

 

Les arches en pierre qui forment le soubassement caractéristique de ces maisons et qui les signalent au visiteurs, datent du XVIIIe siècle, comme les murs du jardin clos sur le Tarn.
Il ne reste rien en élévation de la maison habitée par l'abbé du Chaila : seul le niveau des caves en recèle encore des vestiges.
- les bases des façades ouest et sud sont anciennes : il s'agirait des murs de différents bâtiments, réunis par un mur de soutènement du côté du Tarn, sur lequel se seraient élevés les façades de la grande bâtisse des XVIIIe-XIXe siècles.
- la seule cave voûtée qui existe encore se trouve en partie sous la voirie, à l'angle du pont

(1) AD 34, C 262.

(2) "couverte en tuiles" signifie ici couverte en lauzes de schiste ("pierres plates" dans le texte de J. Desfours), par opposition aux maisons couvertes "en paille", c'est-à-dire en chaume. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle la moitié des maisons du bourg est couverte en "tuiles", l'autre moitié en "paille" (Compoix de Frutgère, 1661).

(3) Exemple sur l'autre rive du Tarn : l'hôtel des Cévennes est aussi une bâtisse des XVIIIe et XIXe siècles, qui a englobé une ou deux maisons plus petites du XVIIe siècle et un jardin ; la façade sur le Tarn a été élevée sur le mur de soutènement du jardin. La grande maison située à droite de l'hôtel, à l'angle du pont de pierre, abritant aujourd'hui la pharmacie, s'est également élevée sur les murs de soutènement de ce qui était au XVIIe siècle un jardin, "le jardin du pont".
A gauche de l'hôtel, la petite "maison-tour" attenante à l'hôtel des Cévennes est restée dans son état du XVIIe siècle : elle est la plus représentative des maisons du bourg à cette époque, telles qu'elles apparaissent à travers les différents compoix de cette époque. Faible emprise au sol, 3 niveaux d'élévation dont une cave enterrée côté rue et ouverte sur le jardin côté rivière, un rez-de-chaussée + 1 étage et comble. Autour, un jardin potager occupe les trois quarts de la parcelle ; il possède un mur de soutènement en pierre, aligné sur ceux des parcelles voisines, le long du Tarn.

(4) Pour le savoir il suffirait de regarder l'épaisseur du mur dans les étages et d'effectuer des sondages sur le parement.

La bataille de Leyrisse

Le soulèvement camisard en Vivarais - 8 Juillet 1709

Localisation du lieu du combat et du cimetière présumé

par Pierre COULET et David DUQUENOY

Au printemps 1709, Abraham MAZEL, Daniel GUY dit Billard et Antoine DUPONT tentèrent de soulever le Vivarais avec l'aide de Jean JUSTET originaire de Vals qui recruta une petite troupe de jeunes gens pour soutenir leur action. Au mois de juin, après plusieurs combats qui avaient tourné à l'avantage des camisards, Basville et Roquelaure se rendirent en Vivarais pour diriger la répression. Les camisards furent défaits par Mirosménil le 8 juillet à la bataille de Leyrisse (près d'Alboussière, à une quinzaine de kilomètres de Valence, sur la route de Lamastre).

Les textes (voir plus loin, après les photos) dont on dispose relatant l'évènement sont peu précis, contiennent des erreurs de transcription toponymique et des invraisemblances géographiques.
Nous pensons avoir localisé avec précision le lieu du combat grâce à des archives familiales avec un acte notarié de 1857 mentionnant la vente d'un "coin de terre au serre de Camisard". Il s'agit de la partie nord du "serre des Fayolles" à la limite des communes d'Alboussière et de Champis en Ardèche, (carte IGN au 1/25 000 St. Péray N° 3036 Ouest.). Le cimetière où, selon la tradition orale, les Camisards tués au combat furent enterrés a pu être localisé avec précision sur une "terrasse" du domaine de Leyrisse au sud du corps de ferme. Le témoignage recueilli nous a paru pertinent quant à l'origine de la tradition orale et cohérent avec la topographie des lieux.

Pour plus de détails, se reporter à l'article de référence "Cahiers Patrimoine Huguenot d'Ardèche" N° 2, 2002, pp.14-18


Le vallon de Rosières situé entre la ferme de Rosières (en haut à gauche) et le hameau du "Pin de Barjac" (à droite) au delà du Duzon (rivière au niveau du rideau d'arbre au premier plan), par où les troupes royales de Mirosmenil sont probablement montées à l'assaut. Au sommet le "serre de Camisard", lieu du combat.


Le chemin de crête au sommet du "serre de Camisard", lieu présumé du combat
(actuellement GR 42 sur le serre des Fayolles). En arrière plan, on distingue le village de La Bâtie de Crussol.


Photo de groupe d'une sortie commentée de l'association "Patrimoine Huguenot d'Ardèche " prise sur l'emplacement présumé du cimetière des Camisards tués au combat de Leyrisse.


En Juillet 2009, une plaque commémorant a été posée sur les lieux de la bataille de Leyrisse par l'association Patrimoine Huguenot d'Ardèche


 Textes de l'époque relatant la bataille de Leyrisse.

Voici le récit que Brueys fait de la bataille (Histoire du fanatisme de nostre temps, tome IV, Montpellier 1713) :
" Mr de Miromenil ne dicontinua point de suivre les révoltez qu'il ne les eust découverts ; & il les joignit enfin à six heures du soir près d'un Lieu appelé Barjac. Ils estoient postez sur la cime de la montagne de Leiris, qui est fort haute, & de très difficile accés, au pied de laquelle coule la petite rivière de Bresson. Dans la saison où l'on estoit alors, il y avait encore assez de jour pour les combattre. Il passa ce Ruisseau à leur vûë, & commença à monter par leur droite pour les attaquer. Dés qu'ils s'apperçurent qu'on marchoit à eux, ils firent tout d'un coup un mouvement, qui fit croire qu'ils s'alloient jetter dans un Bois qui est de l'autre costé de la Montagne ; mais un moment après, on les vit revenir dans leur premier poste ; ils s'y rangerent en bataille, preparerent leurs armes, & se mirent à chanter leurs Pseaumes.
On estoit assez prés d'eux, pour juger qu'ils n'estoient alors qu'environ deux cent, les autres s'estoient retirez dans leurs Villages en quittant la Montagne d'Isserlets : Cependant quoiqu'ils fussent en si petit nombre, ils ne voulurent pas se servir de l'avantage de la hauteur, que nous n'avions pû encore gagner sur eux ; ils vinrent fierement à nous, s'approcherent à dix pas des Bataillons, & firent leur décharge un genouïl à terre, avec cette audace que le fanatisme donne à ceux à qui il a fait perdre la raison.
Nos Soldats essuyerent leur feu sans se rompre ; & quoiqu'ils eussent encore à monter, ils allerent sur eux d'une maniere si vive & si prompte, qu'ils ne leur donnerent pas le temps de recharger, mais les enfoncerent de tous costez la bayonete au bout du fusil, tuant tous ceux qu'ils pouvoient joindre.
Les Revoltez ne laisserent pas encore, quoiqu'accablez de toutes parts, de se deffendre jusqu'à la derniere extrémité, & de combattre en desesperez, les uns à coups d'épées, les autres avec des faux manchées à rebours,& ceux qui n'avoient pas d'autres armes se servoient de pierres, que le Champ du combat leur fournissoit abondament.
Ce fut alors qu'on vit faire à ce Justet(1) de Vals, dont j'ai déja parlé, une action, qu'on auroit de la peine à croire, si plusieurs n'en avoient esté les témoins : Cet homme feroce n'ayant plus d'armes à la main, & se voyant pressé par deux Grenadiers, qui ne lui donnoient pas le temps de lever des pierres, les saisit tous deux par les cheveux ; & comme il estoit extrémement fort, il se mit à les secoüer l'un contre l'autre, avec tant de violence, qu'il les auroit peut-estre assomez, si un de leurs Officiers n'estoit survenu, qui le perça de plusieurs coups d'épée au travers du corps, sans lui pouvoir faire lâcher prise, qu'aprés qu'il les eut entrainez tous deux par terre avec lui, & qu'il eut expiré sur eux.
Il y en eut plus de six-vingt de tuez sur la place, entre lesquels, outre ce redoutable Justet, on trouva aussi Dupont, dont il est parlé dans une des lettres que j'ai rapportées, & qui passait pour le plus habile de leurs chefs : Les trente Jeunes Hommes de Vals, qui avoient assassiné Mr de Vacance (2), y furent presque tous tuez : leur predicant fut aussi trouvé parmi les morts ; il estoit vêtu d'une longue robe noire, & il avoit esté vû dans l'action au milieu d'eux, les exhortant à combattre.
Par les dépoüilles des morts, dont les Soldats profiterent, on ne douta point que les principaux des Rebelles n'eussent été tuez : Le Champ de bataille se trouva couvert de leurs armes. Pour le nombre des blessez, il ne fut pas possible de le sçavoir : la plûpart se trainerent comme ils purent d'un costé et d'autre dans les Bois, & ceux qui ne purent pas fuir ne voulurent point de quartier.
Abraham leur général, ne combattit point : on sçut qu'il en avoit esté empêché par deux blessures qu'il avoit reçües au combat (3) du sieur de la Caze dont il n'estoit pas encore guéri ; mais il fut vû à cheval, escorté de vingt Hommes, au sommet de la Montagne, d'où il fut spectateur de l'action, & prit enfin la fuite avec le débris de ses Gens, dans les Bois du voisinage, où ils furent poursuivis jusques bien avant dans la nuit ...
... Mr le Chevalier de Miromenil, qui combattit à la teste des Bataillons, avec toute la conduite et la valeur possibles, y fut blessé d'un coup de pierre à la teste, & eut le bras cassé d'un coup de fusil : Les deux Capitaines des Grenadiers de son regiment y furent tuez : Il y eut encore deux autres Capitaines & trois Lieutenants blessés, dix soldats tuez, & une quarantaine blessez ...


Récit de la bataille de Leyrisse par un anonyme publié par Marius Tallon au siècle dernier sous le titre : Fragments de la guerre des camisards dans les environs d'Alais, Vernoux, le Cheylard (Privas, 1887).
Nous avons, grâce au manuscrit original déposé à la Bibliothèque nationale (Nouvelles acquisitions n° 6138), pu corriger quelques fautes de transcription. On remarquera la forte ressemblance avec le récit de Brueys.

" Quoique les troupes marchassent depuis 2 heures du matin, M. de Mirominis (4) suivit les camisards jusqu'à sept heures et demie du soir qu'il les joignit à un lieu appelé Base (dans le texte original on lit indiscutablement Basa) et les trouva postés sur la montagne de Legus (on lit distinctement sur le manuscrit Leyris) haute et difficile, au bas de laquelle est la petite rivière de Busson (pour Duzon). M. de Mirominis la passa et se mit en devoir de monter la hauteur par la droite des camisards. Ceux-ci parurent alors vouloir se retirer de l'autre côté de la montagne dans un bois. Mais étant tout-à-coup revenus sur la même hauteur que M. de Mirominis n'avoit pu gagner, ils firent prier et chantèrent des pseaumes, et ensuite ils vinrent à dix pas de deux bataillons, dominant sur eux par la hauteur qu'ils occupoient, firent leur décharge genou à terre, avec une audace incroyable pour des gens de cette espèce qui n'étoient guère plus de 160. Les bataillons l'essuyèrent et montèrent toujours à eux la bayonete au bout du fusil, d'une manière si vive et si prompte que les camisards n'eurent pas le temps de recharger leur fusil. Ayant quitté leurs armes, prirent des pierres. Mais il en périt des camisards plus de 80 sans compter les blessés. Deux de leurs chefs furent tués dont l'un s'appeloit Daniel (5) qui passoit pour le plus brave. Parmy les morts on trouva le ministre avec une robe noire qui descendoit jusqu'aux genoux, lequel étoit au milieu des camisards pendant l'action, les encourageant et les exhortant à bien faire. Abraham le premier chef n'apas combattu : il parut seulement à cheval au haut de la montagne avec 20 hommes qui l'environnoient, et s'enfuit au commencement du combat. Il fut pourtant blessé de deux coups de fusil. Ils furent poursuivis de l'autre côté de la montagne jusqu'à la nuit. Quercy (6) fit des merveilles dans cette action, mais sa bravoure lui couta deux capitaines de grenadiers. Deux autres furent blessés, de même que M. de Mirominis qui fut blessé d'un coup de pierre qui lui cassale bras ; 9 soldats tués et 20 blessé. Du depuis Abraham a été pris et tout fut dissipé. "


Une lettre adressée au maréchal de Montrevel le 9 juillet 1709, publiée par Eric Teyssier dans la Revue du Vivarais du 4e trimestre 1998, traite de cet épisode :
" Le sieur Dumolard, subdélégué de M. de Basville à qui tous les amis venaient en foule, servit de guide au chev. De Miromenil. Le soir du 8, environ sur les 5 heures et demi, ils découvrirent la troupe de camisards qui n'était que d'environ 160 hommes sur une montagne appelée de Leyris entre la paroisse de Boffre et celle de la Batie de Crussol. M. le chev. De Miromenil marcha le plus diligemment et dans le meilleur ordre qui lui fut possible à ces gens-là qui s'étaient fort bien postés à son approche. Sur les 8 heures ils firent mine de vouloir éviter le combat, ce qui leur était fort aisé, mais ayant tout d'un coup changé de contenance ils vinrent à la rencontre des troupes du Roy qu'ils chargèrent les premiers fort brusquement comme des furieux. Le combat fut très opiniâtre. Les camisards s'étant jetés après la première décharge tous au travers des troupes contre lesquelles ils se servaient de toutes sortes d'instruments pour les tuer, principalement des pierres dont ils faisaient pleuvoir une grêle jusqu'à prendre les soldats à bras le corps et par les cheveux pour les terrasser. Ils cédèrent pourtant au nombre et prirent la fuite par des pays inaccessibles à la faveur de la nuit. Cette affaire leur coûte plus de 50 hommes tués sur place et un plus grand nombre de blessés, parmi les premiers sont à coup sûr par tous les indices qu'on a, les principaux et plus déterminés de leurs chefs et de leurs combattants. Les troupes ne se servaient que de bayonnettes et on ne tira que sur les fuyards. Le chev. De Miromenil a eu le bras gauche cassé d'un coup de pierre, le droit aussi un peu blessé et un coup léger à la tête. Les camisards tiraient aux officiers par préférence, il y en a eu 8 de tués ou blessés, les deux capitaines de grenadiers ont été tués zsur place avec 9 ou 10 soldats et 30 blessés. M. le duc de Roquelaure marcha le lendemain après les fuyards, il visita le champ de bataille et fit faire des recherches très exactes des blessés qui pourraient s'être cachés dans les maisons du voisinage.... "


Henri Bosc (La guerre des Cévennes tome V page 947) a retrouvé aux Archives de la Guerre (SHAT A1 , vol. 2184, folios 104 et 108), deux courts billets du chevalier de Miromesnil :
" Ayant esté commandé le 11 juillet , par ordre de M. le duc de Roclaure et ayant été envoyé pour chercher les rebels de la province, j'ay eu le bonheur de les trouver, et les ayant battü de mon mieux, étant très persuadé que M ; le duc de Roclaure vous en aurat fait le détail, aussy bien que M. de Basville... "
1er août. " Je suis fort consolé d'estre estropié du bras gauche, puis que j'ay esté asses heureux d'esterminer les camisards. Les prisonniers faits jusques à présent se sont trouvés blessés dans cette action ; et nous découvrons chaque jour que non seullement ils perdirent dans cette journée les 2/3 de leur troupe morts ou blessés, mais encore les plus fermes et les plus scélérats. En sorte que ce quy en avoit eschapé ne fust pas en estat de résister à la moindre troupe "


Enfin Antoine Court (Histoire des troubles des Cévennes), donne bien après le combat un récit apportant des variantes importantes sur des détails, recueillies d'après lui auprès de témoins :
" On apprit qu'ils étaient, le 8 de juillet, sur la montagne des Isserlets près de Vernoux, où s'étaient assemblés quelques protestants du voisinage, pour assister à un exercice de religion qu'il y eut ce jour-là. On apprit de plus, que leurs chefs avaient hautement déclaré qu'ils y voulaient attendre les troupes ; et qu'ils avaient eu l'insolence d'envoyer ordre à tous les curés des environs, de sortir de leurs paroisses sous peine de la vie.
Il y eut aussitôt conseil de guerre : on y décida d'aller attaquer les camisards sur cette montagne, par trois différents endroits. Le chevalier de Miromenil avec deux bataillons du régiment de Quercy dont il était colonel, eut ordre de marcher à Vernoux ; le régiment de dragons du Languedoc, à Saint-Julien ; et le duc de Roquelaure avec le reste de la petite armée se rendit du côté du Cheylard et de Gluiras.
Ils sont attaqués par deux bataillons. Leur valeur étonnante( L.T.IV. pag.258. Mss. ) Les mécontents ne tardèrent pas à être informés de ces mouvements, et de cette résolution, et comme il y avait ce jour-là parmi eux grand nombre de femmes et d'enfants qui étaient venus assister à leur dévotions, ils ne voulurent pas les exposer au combat en les retenant, ni au danger d'être arrêtés par les troupes en leur donnant congé ; ils abandonnèrent donc cette montagne et escortèrent jusqu'en lieu de sûreté cette cohue désarmée de femmes et d'enfants. Ils se retirèrent ensuite sur la cime de la montagne de Leiris, qui est très haute et de très difficile accès, et au pied de laquelle coule la petite rivière de Bresson. C'est là qu'attaqués le même jour à six heures du soir, ils firent des actions de bravoure que leurs ennemis même élevaient au-dessus de celles des anciens romains : telle est l'idée que du Molard, présent à ce combat, en donnait à un gentilhomme protestant de qui je le tiens. En effet quatre-vingts hommes au plus, mal armés et presque sans munitions, ont l'audace non seulement d'attendre les troupes, mais même d'abandonner un poste avantageux pour aller au-devant d'elles, et de les attaquer ; et ils sont assez intrépides pour en venir avec elles à la mêlée et aux armes blanches, pour les enfoncer, pour les faire plier, et pour ne point abandonner le champ de bataille, qu'au moment qu'enveloppés de toutes parts, ils vont être accablés par le grand nombre.
Brueys, l'infidèle et le partial Brueys, n'a pu s'empêcher de convenir d'une partie de ces vérités : il mêle son récit de quelques mensonges, augmente le nombre des camisards d'un peu plus du double, et use de plus d'une réticence ; mais tel qu'est ce récit, il mérite d'être rapporté.... (suit le récit de Brueys)
...De tels aveux doivent avoir beaucoup coûté à un historien tel que Brueys ; et la bravoure des camisards doit avoir été bien au-dessus de celle qu'on exalte à l'ordinaire, pour avoir forcé cet auteur à en dire autant. Il ajoute un trait d'un de ces braves, qui fait bien voir ce que les troupes auraient eu à craindre, si le nombre des camisards eût été tant soit peu plus considérable ; et ce que les princes ont à redouter, lorsqu'ils ont à combattre des gens que la persécution a réduits au désespoir, et qu'ils réclament des libertés qui leur sont plus chères que la vie même.
( Mém. manusc. ) Pour être tout à fait sincère, l'historien aurait dû ajouter que ces deux malheureux grenadiers (7) expirèrent sous leur vainqueur ; que celui-ci avait percé plusieurs rangs pour se saisir d'un drapeau ; qu'il l'enleva à l'officier qui le portait, en le blessant ; qu'il se faisait jour de nouveau en faisant mordre la poussière à tout ce qui se présentait devant lui, lorsque étant aux prises avec ces deux grenadiers, il fut enveloppé de tous côtés et percé enfin de plusieurs coups d'épée au travers du corps.
Il fut heureux pour les troupes et malheureux pour les camisards, qu'Abraham, qui passait pour leur général, et qui ne cédait ni en force ni en bravoure au brave Justet, ne put pas combattre ce jour-là ; il en fut empêché par deux blessures qu'il avait reçues dans un combat précédent ( Brueys. Hist. du fan. t.iv. p.268. ), et il ne put qu'être spectateur de loin. Avec Justet les camisards perdirent Dupont un autre de leurs chefs, qui, selon Brueys, passait pour le plus habile, et une trentaine de leurs gens. Les autres se firent jour au travers la multitude qui les enveloppait : et le firent avec tant de résolution et de courage, qu'on n'osa pas les suivre dans leur retraite....
Cinquante à soixante mécontents échappent aux troupes : leurs marches et contre-marches. On fut plusieurs jours sans avoir des nouvelles certaines du reste des camisards. On apprit seulement qu'ils avaient paru du côté de Pierregourde ; qu'ils avaient passé dans la nuit la rivière d'Eyrieux, au nombre de soixante ; que Monteils, gentilhomme de ce canton, qui commandait une compagnie franche, avec un détachement de deux cents hommes, était après eux au pont des Oullières, et qu'il espérait de les joindre incessamment ".


(1) Brueys avait précédemment présenté ce Justet, disant qu'il avait été lieutenant de Cavalier, et qu'il avait amené à Mazel une trentaine de jeunes gens de la région de Vals. Sur la famille de ce Justet voir :H. CHAPON, Origine des guerres de religion dans le Vivarais (1618), Vals et la famille de Justet, Paris, 1911
(2) Claude de Vocance, seigneur de la Tour (paroisse de St-Pierreville), était haï des protestants pour ses persécutions (c'est lui, entre autres, qui avaient surpris l'assemblée du Creux de Veye en septembre 1701), et son exécution dans les bois de Rozet au mois de mai 1709 avait donné le signal de la tentative d'insurrection de Mazel dans le Vivarais.
(3) Lors d'une escarmouche près de St-Fortunat le 13 juin.
(4) On reconnaît l¹influence du patois (assez proche du franco-provençal dans notre région) dans la tansmission orale des noms :« Mirominis » pour Mirosménil. En patois on ne prononce pas le « l » final ce qui explique l'orthographe phonétique, de même pour « Basa » on ne prononce pas le c final dans « Barjac ». on dit en patois « Bardza ».
(5) C'est une erreur puisque Daniel Guy dit Billard fut tué plus tard, très probablement en septembre près de Vors (St. Etienne de Serre). Son cadavre fut exposé à Vernoux sur une roue. Une croix de mission catholique dite « croix de Billard » fut ensuite érigée à cet emplacement et se trouve encore aujourd¹hui à l¹entrée du village de Vernoux-en-Vivarais à gauche en venant de St. Péray ( route D 14). Mazel ayant pu s¹enfuir il semble que seul des trois Dupont ait été tué à Leyrisse .
(6) Miromesnil était colonel du régiment d'infanterie du Quercy.
(7) Ceux qui avaient été pris aux cheveux par Justet

Le Mas de Cauvy

La bataille

Le 23 décembre 1702 (dans les premiers temps de l'insurrection camisarde donc), Cavalier, et sa troupe, décident de célébrer Noël par une assemblée dans la prairie d'Alès. Le comte de Broglie était parti vers Génolhac avec une troupe importante, et les camisards, après avoir brûlé les églises de Salindres et de St-Privat-des-Vieux, traversent le Gardon et s'installent à proximité du mas Cauvy (ou mas de Cauvy) et du mas Rouge. Le gouverneur d'Alès, le chevalier d'Aiguines, réunit alors toutes les troupes restantes, soldats de bourgeoisie et nouvelles recrues essentiellement, et en tête de sa troupe, suivi de 60 cavaliers et de 2 à 400 fantassins, se dirige vers les camisards. Cavalier, qui aurait eu largement le temps de s'enfuir, "ayant eu quelque inspiration qui lui promettait la victoire" nous dit Abraham Mazel, décide de combattre. Il renvoie les "civils" venus pour l'assemblée, et place ses hommes (60 en tout d'après Mazel, ce qui nous parait sous-estimé), par groupes de quinze derrière un retranchement naturel qui d'après Cavalier lui-même dans ses mémoires "couvrirait notre détachement, nous mettant à l'abri de la cavalerie et des coups de fusil, et empêcherait l'ennemi de découvrir notre petit nombre". Quelques hommes tirent en voltigeurs les premiers coups de fusil sur la cavalerie, qui réplique, mais qui est prise aussitôt sous le feu nourri des camisards embusqués. Les cavaliers marquent un temps d'hésitation, et les camisards sortent de leur retranchement en chantant des psaumes et les chargent : les cavaliers font alors volte-face, bousculant l'infanterie qui les suit, et tous de s'enfuir, en proie à une terreur panique, poursuivis par les camisards. Une partie des soldats se réfugient au château de Montmoirac tout proche, d'autres au château de St-Christol, d'autres enfin courent jusqu'à Alès. Le bilan est sévère, une vingtaine de morts du côté royal probablement, et montre bien la peur que ces paysans, mal armés mais tellement déterminés, inspiraient aux soldats. (d'après Itinéraires protestants, tome 2 L'espace gardois, Presses du Languedoc)

Photo d'Alain Gas (extraite de La guerre des Cévennes d'Henri Bosc, Presses du Languedoc)

 

La stèle commémorative est implantée en bordure de la route à 5 mètres de la chaussée sur le "Chemin du Mas Cauvy" qui passe entre le mas Cauvy et le stade du Rouret. A partir de la "Pyramide" à St Christol les Alès prendre la route de Montpellier, à 200 m tourner à gauche sur la route du mas Rouge, suivre cette voie dans toute sa longueur puis continuer tout droit sur la route de Montèze pendant 100 métres tourner à gauche sur le chemin du mas Cauvy et continuer tout droit en passant entre le stade et le mas Cauvy.

Photo Frédéric Ribes

Description du monument:
De face: Bataille du mas Cauvy - 24 déc 1702 - Jean Cavalier né à Ribaute en 1680 décédé en 1740 à la tête d'une troupe de camisards tendit en ce lieu une embuscade aux soldats du roi et en sortit victorieux.
Au dos: Une croix huguenote avec sa colombe.
Sur le côté gauche: Erigé par l'Eglise réformée de St Christol lez Alès le 23 juin 1985.
Sur le côté droit de la stèle il est gravé: Tricentenaire de la révocation de l'Edit de Nantes.

 

Le château de Montmoirac où se réfugièrent les soldats de la bourgeoisie d'Alès

 

Cette curieuse petite brochure, imprimée à Nîmes en 1947, a sa couverture percée d'une fenêtre laissant apparaître le château de Montmoirac. L'auteur est un certain lieutenant Trouchaud, qui déclare dans sa préface qu'il a découvert "en consultant des vieux grimoires de son oncle, Monsieur Destremx de St Christol... quelques détails forts (sic) intéressants sur un combat dirigé par Jean Cavalier". Combat, ajoute-t-il "qui se déroule en plein centre de ma petite propriété Cévenole".
Suivent une trentaine de pages racontant une invraisemblable histoire de Jean Cavalier tentant de délivrer de sa prison du château de Montmoirac Esprit Séguier, et Ravanel réussit à s'enfuir avec lui par un souterrain indiqué bien sûr par la nièce du marquis de Montmoirac !

 

Un lieu de mémoire menacé ?

A deux pas d'Alès se déroula la bataille du mas de Cauvy (ou mas Cauvy), qui fut la première victoire importante remportée par les camisards.

Le mas de Cauvy est aujourd'hui une propriété agricole avec un camping à la ferme fréquenté par de nombreux étrangers (Belges, Hollandais et Allemands). Le site est bordé par le domaine du Rouret, lieu planté d'arbres tricentenaires pour certains, qui s'étale sur une dizaine d'hectares.

Un projet d'aménagement est en cours d'étude actuellement, suscitant l'inquiétude de certains habitants de St-Christol quand au devenir du site. Nous pensons qu'il est de notre rôle de donner la parole aux tenants comme aux opposants de ce projet, en souhaitant que, quelle que soit l'option urbanistique choisie au final, le maximum soit fait pour que les lieux soient le moins possible dénaturés, et que la mémoire de cet épisode important de la guerre des camisards soit préservée.
Pour en savoir plus, voir Association de Sauvegarde du Rouret

Merci à Jean-Claude Ribes qui nous a fourni une partie des photos
et informations de cette page consacrée au mas de Cauvy

Association de sauvegarde du Rouret

Nous publions intégralement le texte que nous a communiqué Suzanne Coulet, élue de St-Christol-lès-Alès que l'on peut considérer comme la position officielle des tenants du projet d'aménagement. Le lecteur attentif pourra constater que les positions ne sont peut-être pas si opposées que l'on pourrait le croire à première vue, ce qui me porte à souhaiter que le dialogue puisse aboutir à une solution satisfaisante pour les deux parties.

LE DOMAINE DU ROURET

Le domaine du ROURET a été acquis par la Municipalité de Saint-Christol en 1987.
Ce domaine s'étend sur 14 hectares répartis en plusieurs zones :

- Un immense espace boisé, magnifique, composé d'espèces parfois rares, d'arbres de hautes futées dans une zone vallonnée particulièrement harmonieuse.
- Un ensemble de bâtiments anciens dont une splendide Maison de Maître (assez délabrée), des dépendances dont un bâtiment construit en 1940 (appelé d'ailleurs le 1940 !) qui ne nous appartenait pas mais que nous venons d'acquérir au printemps dernier.. La Maison de Maître ainsi que une des dépendances (ancienne maison de gardiens) sont louées à des particuliers par la Mairie. Devant la Maison de Maître s'étale un espace qui a dû être gazonné par le passé en pente douce, agrémenté de petits bassins, statues, colonnes et vestiges d'une volière.
- A l'arrière de ces bâtiments, une des dépendances a été rénovée il y a plusieurs années par la Mairie et sert aujourd'hui de foyer d'accueil (nommé le Manoir) pour une dizaine d'enfants et d'adolescents victimes de maltraitances ou en pré-délinquance pris en charge par l'Association la Miséricorde, placés là par le Juge des Enfants (qui resteront en l'état).
- Les abords du Domaine, en friche, ont été en partie utilisés pour construire un ensemble sportif municipal soit un stade de foot avec un vestiaire (construits en 1990 ) et une petite piste de skate-board voulue par le Conseil Municipal Jeunes et inaugurée en octobre dernier. A l'arrière du stade de foot (devenu sur-utilisé par plus de 360 licenciés) se trouve un terrain vague sur lequel nous avons entrepris la construction (à la demande des associations et votée à l'unanimité du Conseil Municipal) d'un nouveau stade de foot (avec pelouse artificielle) et d'une piste d'athlétisme.
- A l'entrée du domaine, à côté des stades, la Municipalité a construit des bâtiments qui abritent aujourd'hui un CAT, le CAT du Rouret qui fonctionne fort bien et que nous continuons à aider.

Pour la Municipalité, l'entretien du Parc et la réhabilitation des bâtiments sont une lourde charge.

Pour l'entretien quotidien du parc (en particulier l'entretien d'un parcours de santé, et d'autres parcours à thèmes prévus dans le projet exposé ci-dessous) je suis en train de mettre sur pied un chantier d'insertion. Ce chantier prendra également en charge les espaces verts des logements sociaux situés dans deux autres quartiers de la commune (Hameau de Cavalas et Moulin Cévenol). Ce projet a eu l'accord (verbal pour l'instant) de la DDTE et de la Mission Départementale d'Insertion sur la base de 8 personnes (6 bénéficiaires du RMI et 2 jeunes suivis dans le cadre du parcours TRACE). Il devrait débuter en mars prochain et se prolongera avec des expériences sur les déchets verts en collaboration avec la CLCV et la Borie.

D'autre part, un projet global d'aménagement du Domaine par la Communauté d'Agglomération du Grand Alès est soumis en ce moment à la population de Saint-Christol.
Le principe de ce projet a été accepté par le précédent Conseil Municipal et voté à l'unanimité de la Communauté d'Agglomération.
Un cahier des charges a été élaboré et 4 architectes ont travaillé et rendu le résultat de leur travail.
Dans un souci de plus grande démocratie et dans une volonté de participation citoyenne, le Maire a souhaité que la population soit consultée : pour cela, les 4 projets ont été achetés aux architectes pour pouvoir être exposés.
C'est ce qui est fait depuis la mi-novembre jusqu'à mi- janvier, en Mairie. Tous les habitants ont été avisés de cette exposition des 4 esquisses en plusieurs grandes planches chacune, du cahier des charges et d'un livre pour recueillir les avis.
Ces 4 avant-projets ne sont pas à prendre ou à laisser, mais à amender, éventuellement à mixer et à modifier et même à faire de nouvelles propositions.
Nous avons organisé 4 réunions publiques sur le sujet, dont une spécifique aux jeunes avec la collaboration du Conseil Municipal Jeunes.
Le journal Municipal distribué aux habitants de la commune propose un questionnaire/sondage sur le projet.

Pour revenir à ce que nous souhaitons réaliser, il est prévu :
- La préservation totale du Parc et des bois, bassins et petits ouvrages existants : arches, murs en brique, théâtre de verdure simple (pour lequel nous avons sollicité le Conseil Général dans le cadre d'un projet culturel à monter avec cette collectivité qui est intéressée).
- La réalisation ou la réfection de sentiers à thème (de santé, botaniques) à travailler avec les associations notamment avec la FACEN.
- La réhabilitation de la Maison de Maître et des dépendances : rénovations de salles à prêter aux associations, espace pour accueillir les enfants des écoles et des centres aérées de la Communauté dans le cadre d'activité " vertes " spécifiques.
- Aux abords du Domaine (soit à côté des stades soit à côté du CAT, en fonction des projets des architectes) la création :
- D'une piscine municipale communautaire
- D'un petit camping (50 emplacements maximum)

Nous comptions également construire sur le parking non arboré actuel une salle destinée à accueillir séminaires, lotos, fêtes publiques ou privées (noces ….) pour environ 200 personnes. Toutefois certains riverains craignent que cela leur amène beaucoup de nuisances (bruit en particulier) et même si cette salle est réclamée par ailleurs nous pensons qu'il serait peut-être bon de ne pas la construire. La réflexion est en cours.

En aucun cas, bien entendu, il n'est question de promoteurs privés, même pas pour le camping qui serait soit en régie directe soit en concession avec un cahier des charges précis et la commune restera propriétaire du Domaine.
En aucun cas, non plus il n'est prévu de destruction ni des bois ni des bâtiments anciens existants. Tout bétonnage étant exclu !
Et bien entendu, le Mas Cauvy qui est à proximité du Domaine n'est pas concerné ni menacé. Celui-ci propose déjà une table d'hôte et peut voir sa clientèle s'étoffer. La propriétaire exploite également sur le Mas un camping à la ferme qui a 25 emplacements.
A proximité du Mas, la Municipalité actuelle a fait ériger il y a plusieurs années un mémorial célébrant la bataille de la guerre des Camisards qui sera également préservé et mis en valeur.
Nous tenons en outre à ce que tout ce qui concerne la faune qui habite le domaine soit préservée : notamment des oiseaux et rapaces assez rares (faucons hobereaux, engoulevents d'Europe…)

Suzanne Coulet
Conseillère Régionale du Languedoc-Roussillon (Vice-Présidente du groupe Socialiste)
Adjointe au Maire de Saint-Christol lez Alès chargée de l'économie
Adhérente de l'Association Abraham Mazel.

Association de Sauvegarde du Rouret
265 D, chemin du Planas
30380 Saint-Christol-Lez-Alès
stchristolrbs@aol.com

Champdomergue

Champdomergue est un de ces lieux cévenols chargés d'histoire qu'il faut mériter ! D'abord, il faut trouver où se situe cet endroit complètement à l'écart de toute grande route ou itinéraire touristique. Même la carte IGN au 1/25000e l'ignore totalement ! Heureusement, pour la première fois les Itinéraires protestants des Presses du Languedoc (tome 1 Cévennes page 221), et le petit plan que nous joignons à cet article permettront au visiteur de nos "lieux de mémoire" de s'y rendre facilement. On peut aussi s'adresser à la mairie de St-Privat-de-Vallongue qui a fléché un très bel itinéraire de randonnée pédestre permettant de s'y rendre. C'est pour nous la plus belle façon de découvrir ce lieu, lointaine récompense d'un cheminement qui emprunte une partie du parcours du VFD, l'ancienne voie de chemin de fer de Ste-Cécile d'Andorge à Florac, hélas désaffectée depuis 1968. A Champdomergue se tint le 12 septembre 1701 une assemblée prophétique tenue par Françoise Brès dite Bichon, et Catherine Martin de Pénens (hameau proche de Champdomergue). Bichon devait être exécutée au Pont-de-Montvert (voir la relation de Jean Rampon), et Catherine Martin devait finir ses jours à la prison de Carcassonne.

L'année suivante, le 9 septembre 1702, eut lieu en cet endroit la première véritable bataille de ce qui devenait "la guerre des camisards" (voir le manuscrit TT 240 des Archives Nationales). Bien que peu nombreux et mal armés, les insurgés firent bonne figure, blessant même quelques-uns de leurs adversaires. Jean Cavalier s'y fit remarquer pour la première fois par ses qualités de bravoure et de sang froid. A quelque distance au nord, on trouve un endroit nommé " Le plan des Tombes ". Des squelettes y auraient été dégagés, qui seraient, d'après la tradition orale, ceux des combattants tués au combat de Champdomergue. En 1875, se tint une nouvelle assemblée, à l'appel du pasteur de St-Frézal-de-Ventalon Henri de Sabatier-Plantier, assemblée fort critiquée par le préfet de l'époque (on est en plein ordre moral, avec une majorité de droite monarchique et catholique).

Champdomergue et la vieille grange qui y est encore visible ont encore accueilli pendant la seconde guerre mondiale une compagnie d'un maquis FTP (Francs-tireurs et Partisans). Des camisards aux maquisards, suivant le titre du livre de Muse et Raymond Tristan-Sévère paru en 1944, la filiation pour beaucoup de cévenols était toute naturelle.