Les camisards à Générac

Le château de Générac

Générac est un village situé à une dizaine de kilomètres au sud de Nîmes. Très majoritairement protestant, ce village avait connu une forte répression dès avant la guerre des camisards : l'assemblée de Combemigère qui s'était tenue sur son terroir en décembre 1687 s'était déjà traduite par une pendaison et de nombreuses condamnations aux galères. Nous connaissons très mal les faits qui s'y sont passés pendant la guerre des camisards, hormis un épisode avec l'auxiliaire des armées royales, meunier à Générac, Florimond. Henri Bosc dans sa "Guerre des Cévennes", cite à peine ce village, aussi nous avons été très heureux de trouver le document que nous publions ci-dessous aux archives départementales de l'Hérault (C258), qui montre bien les conséquences économiques et financières de la répression, et en énumère les victimes. La question dans notre Forum-questions-réponse d'un descendant du galérien Biaux nous fournit l'occasion de publier ce document dans son intégralité. Une grande partie des personnes citées dans ce texte ont été déportées et emmenées à Perpignan lors d'une grande "rafle" qui en avril 1703 frappa les habitants de vingt-six paroisses des environs de Nîmes considérées comme les plus favorables aux camisards. Plusieurs centaines de personnes furent interpellées à cette occasion et emprisonnées. Nous ignorons combien furent déportées à Perpignan selon la technique inaugurée avec les habitants de Mialet et de Saumane peu auparavant. Mais grâce à cette liste, nous pensons savoir maintenant rtrès précisément les noms des habitants de Générac victimes de la répression.

C'est le 8 ou le 9 février 1704 que les camisards prirent le village de Générac, pillèrent les maisons des "anciens catholiques" et commirent les nombreux dégats cités dans le texte ci-dessous. Florimond et sa milice s'étaient pendant ce temps réfugiés dans le château en photo ci-dessus (voir Bosc, La guerre des Cévennes tome III page 130).

 

Estat des biens qui sont en friche à cause des guerres des phanatiques

Les biens de Michel Mourensat etant en prezage 7 s. 4 d. ce qui se montent de tailhe la prezentz année
6 l. 7 s. 11 d.
Les biens des h[oirs] de Izac Breis estant En prezage 5 s. qui se montent de Talhe la prezente année 4 l. 7 s. 1 d.
Les biens de Jacques Viala estant En prezage 3 s. 3 d. et en talhe lad année 1704 2 l. 16 s. 9 d.
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13 l. 11 s. 9 d.

Estat des degasts faits par les phanatiques

L'église dudit lieu a esté brullée, c'est à dire la porte, les bancs, le balustre, la chaire a precher, les vitres rompues et le benitier, le tabernacle, le marchepied de l'autel, le banc a prie dieu du Sr vicaire, les bancs des sieurs officiers et consuls, le confessionnal, les fonts batismaux rompus, les vitres entièrement détruites, la porte de la sacristie, une croix qu'il y avait au-devant abatue et les pierres brisées et les tuiles du couvert presque toutes brisées
Estimant tout le dommage estre de valeur de cinq cent livres 500 l.

Deux portes de la maison du sr vicaire ont esté rompues, celles de son garde robe enfoncées
et rompues lui ayant pris et emporté beaucoup de livres et quelques linges estimables
tous la somme de cent livres 100 l.

A Mr Jean Marque a ésté pris un cheval agé de trois ans et de belle talhe et pris encore du linge estimant le tout cent cinquante livres 150 l.

Nous consuls du lieu de Générac soussignés attestons que le brulement de l'églize et autres
dommaiges ont été faits par les rebelles phanatiques et que tout le contenu au prezent estat
est véritable, a Generac 17e
Aoust 1704
Marque Consul
Armentier sd consul

Estat des habitants du lieu de Generac qui ont quitté le lieu et de ceux qui ont esté enlevés et menés a Perpignan ou dans les troupes du Roy

Premièrement Jaques Bres a esté enlevé et est en Perpignan ayant laissé une femme et cinq
enfants taxes en capitation la prezante année 1704 : 7 l. 10 s.

Plus Jean Peyron a esté enlevé mené a Perpignan ayant sa famme et trois jeunes enfants estant de prezant dans les troupes du Roy, taxes en capitation pour ladite année 1704 : 5 l. 10 s.

Charles Aurilhon a esté enlevé et mené a Perpignan estant a prezant dans les troupes du Roy, taxes en capitation en cy après

Mathieu Roque a esté enlevé conduit a Perpignan estant a prezant dans les troupes du Roy taxes en capitation : 7 l. 10 s.

Jacques Cros a esté pris pour cause d'assamblée et condamné et conduit aux galères n'ayant
Laissé aucun bien, taxes en capitation : 4 l.

Noe Biou a esté pris pour cause d'assamblée condamné et conduit aux galères, sa femme et sa filhe a Perpignan, taxes en capitation : 11 l.

Habran Calhot a dézerté le lieu pour cause d'assamblée, sa femme et ses trois filles conduites à Perpignan n'ayant laissé aucun bien taxes en capitation : 2 l.

Guilhaume Sausse a déserté le lieu pour aller avec les Camizards ou il a ésté tué ayant laissé sa femme et quatre jeunes enfants taxes en capitation : 10 l.

Estienne Bretoun a esté pris pour cause d'assamblée et a esté pandu, taxes en capitation l'année 1704 :6 l.

Pierre Cros a esté pris pour cauze d'assemblée condamné et conduit aux galères, sa femme et deux de ses fils a Perpignan taxes en capitation : 22 l.

Marq Tempier antien catholique a esté tué par les camizards n'ayant laissé aucun bien taxes
en capitation : 1 l. 10 s.

Michel Mourensat antien catholique a esté tué par les camisards taxe en capitation

Habran Brus a esté pris pour cauze d'assamblée mené en prison a Nismes et envoyé a la guerre
au service du Roy etant en capitation :4 l.

Jaques Viala a quité le lieu ne sachant ou il est taxes en capitation : 8 l.

Pierre Duran ayant esté enlevé et conduit à Perpignan pour cause d'assemblée taxes
en capitation :4 l.

Jaques Couder a esté enlevé et conduit à Perpignan taxes
En capitation 9 l.

Charles Aurilhon a esté enlevé et conduy a Perpignan taxes
En capitation 4 l.

A Monseigneur
Mon Seigneur de la Moignon de Basville, Chevallier Conseiller d'Estat ordinaire, intendant en Languedoc
Supplie humblemant Jean Marque, ménager, ancien catholique du lieu de Générac, et vous remonstre que les rebelles phanatiques ayant passé audit lieu le huict février dernier en nombre de quatre a cinq cents, après avoir bruslé l'églize et abattu une grande croix de pierre qui était au devant, furent a la maison du suppliant pour le prendre et tuer en haine de ce qu'il s'était montré bon catholique et fidelle serviteur du Roy, ayant toujours fait tout ce qu'il avait pu en qualitté de consul et autrement pour empécher les assemblées des phanatiques, en ayant mesme pris et fait emprisonner plusieurs. Mais comme il s'était caché, les rebelles lui prirent et volèrent quantité de ses chemises et avec linge et habits, de même qu'un jeune cheval poil bay, agé de trois ans qu'ils emmenèrent avec eux, estant le tout de valeur de plus de deux cents livres, et d'autant qu'il est juste que le suppliant soit indemnisé et dédommagé de cette perte, vu même qu'il est le seul ancien catholique du lieu a qui les phanatiques ayent fait de pareils enlèvements et vols, il a recours a votre grandeur
A ce qu'il vous plaize Mon Seigneur de vos graces vu les certificats et sommaire aprinse faitte devant les officiers dudit lieu attestée par messieurs prêtres et curés qui y résident qui justifient lesdits enlèvements, odonner que le suppliant sera payé de ladite somme de deux cents livres par les nouveaux catholiques dudit lieu ou sur les sommes que Sa Majesté a ordonné ^être payées par lesdits nouveaux catholiques pour partie de l'indemnité des domages soufferts par les anciens catholiques et ferez justice

Documents inédits des Archives départementales de l'Hérault (C258).

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