Jacques de Julien (Maréchal)

par Maguy Calvayrac

 

signature autographe de Julien

Jacques de Julien naquit à Orange en 1660 dans une famille d'avocats et de parlementaires professant la religion réformée et dont la noblesse acquise par fonction fut confirmée par lettre patente le 2 octobre 1607. Participant, activement à la vie de la cité, les de Julien assurèrent de nombreuses délégations et ambassades tout au long du XVII° siècle et participèrent à tous les événements historiques de la Principauté.
L'arrière-grand-père de Jacques, Sébastien de Julien fut l'un des premiers pasteurs et un des plus vaillants huguenots lors de l'implantation du calvinisme à Orange. Julien fut le second fils de noble Gédéon de Julien notaire et viguier d'Orange en 1655 qui teste en 1669. Sa mère, Françoise de Caritat de Condorcet, d'une très ancienne famille resta fidèle à sa religion, se réfugia à Erlanger et revient à Orange où elle meurt le 15 mars 1703. Elle était la fille d'Antoine de Caritat de Condorcet et donc l'arrière-grand-tante du philosophe Condorcet.
Le couple eut dix enfants : Antoine (1655 -1719), Jacques, Jean (+1730), Bonne, Isabeau, Espérance, Olympe, René-Samson, Laurent, Gédéon.
Comme tant d'autres cadets de familles nobles d'Orange, Jacques et Jean furent pages du prince d'Orange Guillaume III. En 1688, Guillaume III devenu roi d'Angleterre, confia à Jacques un régiment pour aider le Duc de Savoie à soutenir le parti des Vaudois. Dans les vallées alpines, on remarqua la bravoure et l'esprit de décision de ce jeune lieutenant-colonel.
Mais en 1690, après une dispute, une déception ou une promotion refusée, Jacques change de camp, abjure le protestantisme et passe dans l'armée de Louis XIV. Il sert alors comme Brigadier dans les armées de Catinat, cette fois contre les Vaudois. En 1694, il défend avec succès le fort de Barcelonnette attaqué par les Vaudois.
En 1697, le brigadier Jacques de Julien est responsable du cordon de troupes qui doit isoler la principauté d'Orange (rendue à Guillaume III après la paix de Ryswyk, le culte protestant y a été rétabli). Il veille avec attention à tous les postes de garde, est informé de tout problème et de toutes les arrestations. Il ne doit informer que l'intendant Basville et le ministre de la Guerre Chamillart, et touche pour ces fonctions une solde annuelle de 2340 livres. Il participe ainsi aux arrestations qui conduisent une centaine de protestants aux galères.
En 1701, il est nommé dans l'armée d'Allemagne et participe à la bataille des Flandres. Le 13 décembre 1702, il reçoit le titre de Chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis et il est nommé maréchal de camp.
En janvier 1703, il rejoint son affectation : l'armée des hautes Cévennes, sous le commandement de Montrevel. Sa cruauté envers ses anciens coreligionnaires s'exerça pleinement lors du brûlement des Cévennes : Julien dit " l'apostat " fut alors surnommé " cœur de tigre". L'année 1704, étant responsable du diocèse d'Uzès, à Lussan, il réussit par un beau coup de filet à capturer 46 hommes jeunes et valides qu'il incorpora d'office. Son zèle intempestif lui fit commettre bien d'autres abus qui émeuvent ses supérieurs. Baville se plaint à Versailles ; Chamillart rappelle au fougueux maréchal de camp la loi la plus élémentaire et lui conseille la modération ; Julien doit écrire une lettre d'excuses au maréchal de Montrevel. Toujours préoccupé par l'évolution de sa carrière, il n'hésite pas à solliciter des promotions et obtient le 26 octobre 1704, le grade de Lieutenant Général des Armées du Roy. En Cévennes, Julien eut peu d'occasions d'exercer ses compétences de stratégie militaire car les Camisards évitaient les affrontements directs et les sièges. C'est à Vagnas en février 1703, après une tourmente de neige, que Julien signa sa plus franche victoire contre la troupe de Cavalier, en rase campagne. Il comprit rapidement qu'il fallait détruire les ressources des camisards en anéantissant toute la population qui les soutenait ( brûlement, déportation…). Il n'eut de cesse d'isoler le pays pour éviter toute extension de la rébellion (en Vivarais en particulier). Il redoutait toute aide pouvant venir par la Suisse ou la Savoie des puissances extérieures. Julien accomplit avec le succès que l'on sait, les plans de campagne qu'il proposait.
Après l'anéantissement militaire des chefs camisards, Julien occupa un rôle plus diplomatique que stratégique. Ses relations et sa connaissance de la région lui permettent de contrôler le trafic des armes et de la poudre qui transitent par le Comtat Venaissin et la Principauté d'Orange. Julien est chargé de déjouer la moindre tentative d'incursion et d'aide par la vallée du Rhône. A plusieurs reprises en 1704 et 1705, il fut chargé de transactions plus ou moins secrètes avec le légat du pape en Avignon. Il accède au grade de lieutenant-général.
En 1705 il s'acquitta avec brio de la levée de la taille dans le Vivarais. Baville bien que réticent quant à la méthode employée, le félicita d'avoir pu faire payer les paysans pourtant exsangues. Jacques de Julien, l'un des premiers, avait compris que la Guerre des Cévennes était celle de tout un peuple. Pour réduire ce peuple d'opiniâtres, Julien œuvra dans trois directions : le brûlement, la déportation massive et le renseignement. Il réalisa ces objectifs avec l'efficacité que l'on sait.
Baville ne s'était pas trompé : Jacques de Julien était bien l'homme qu'il fallait.
Malade, hypocondriaque, Jacques de Julien se plaint beaucoup et sollicite plusieurs fois des permissions de repos. Entre deux courriers, pour rétablir son estomac et sa poitrine, il prend du lait d'ânesse. Il passe l'été 1704 en Vivarais, à Saint-Agrève, " canton élevé où les chaleurs sont supportables ".
Il se plaisait à loger dans les vieilles demeures féodales et fréquente la petite noblesse du Vivarais et du Dauphiné. Lors d'un séjour au château de Vogué, le notaire Rimbaud rédige son testament le 10 juillet 1705. En 1707, sur sa fortune conséquente, il avance 14 000 livres pour régler la dot de la fille du marquis de Vogué et prête 10 000 livres au marquis de Soyons. Il demande la permission d'aller traîner chez lui languissamment le reste de ses jours. Sans doute à Orange même dans la maison située au quartier de Saint-Martin ou bien à la grange de la Tour de Sérignan.
Il décède à Orange, le 11 novembre 1711, âgé de 49 ans. Il est enseveli dans la chapelle de la Miséricorde de l'église cathédrale.
Après le décès prématuré de Gullaume III, en 1702, la principauté était retournée dans le giron du Roi de France C'est Antoine de Jullien notaire qui occupait la fonction de premier consul nommé par Louis XIV. C'est son frère Jean, capitaine de régiment de marine, qui hérita de tous ses biens en usufruits jusqu'à sa mort où ils seront légués à l'hôpital d'Orange.

Ces recherches biographiques nous ont permis d'établir des liens de parenté avec la famille DE JULIEN D'ESCAUPON alliée aux de La Tour du Pin de la Charce Gouvernet, puis aux Prunet de Boisset de Montmoirac. Cette famille possédait de nombreuses seigneuries dans l'Uzège dont Saint-Laurent la Vernède, La Bruguière, la Valus, Malérargues (Thoiras), Mons, Saint-Just, Vacquières, Monteils, Boisset, Gaujac, etc…..

Bibliographie:
ARNAUD (Eugène) Histoire des Protestants de Provence, du Comtat Venaissin et de La Principauté d'Orange, Genève, Slatkine reprints, 1970
LEEMANS (W.F. et E.) La noblesse dans la principauté d'Orange, La Haye ,1974
CAPOT ( Stéphane) : La chambre de l'Edit de Castres, Edition du Mirail 1998
COURT (Antoine) : Histoire des troubles des Cévennes, Villefranche 1764

Sources:
S.H.A.T. Vincennes : Correspondances Chamillart G1796 à G1797 et G1918
AC Orange BMS, séries AA, BB, CC, GG
AD 84, 2E 51/ 407
AD 07 Notaire Rimbaud 2E 1468 2E 1469 2E 1470

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